Une partie importante de la pédagogie de la Gestion Mentale repose sur la phénoménologie (l’observation, la description) de cinq gestes mentaux, dont le geste d’attention, que je vais présenter. Pour mieux comprendre la pédagogie de la Gestion Mentale, je vous invite vivement à lire dans l’ordre les cours suivants avant de reprendre la lecture de celui-ci :
- Introduction aux cinq gestes mentaux
- Introduction à la Gestion Mentale
- Evocation : de l’éveil des sens à l’éveil au sens
- Exercices d’évocations en Gestion Mentale
1. La nécessité d’un projet…
Le geste d’attention repose sur un projet explicite, c’est-à-dire déclaré. On est attentif quand on en exprime ouvertement la volonté. Cette volonté doit se manifester ostensiblement avant d’être en présence du percept.
Ce projet se définit par le codage (l’enregistrement, la transformation) d’un percept (ce qui est perçu par l’un des sens) en image mentale.
On est attentif quand on a pour projet de distinguer dans le champ perceptif un ou plusieurs objets de perception que l’on souhaite encoder.
Le schéma du geste d’attention est donc chronologiquement le suivant :
- Projet volontaire de coder sous forme d’image mentale le percept
- Mise en présence du percept
- Discrimination de ce que l’on souhaite encoder
- codage du percept sous forme d’image mentale (visuelle, auditive, kinesthésique…)
2. … qui repose sur l’éducation des sens
Comme le projet d’attention vise à transformer un percept que l’on privilégie en image mentale, cela implique d’éduquer nos sens.
2.1 Eduquer la vue :
Plusieurs activités permettent d’éduquer la vue. On pense au jeu des 7 erreurs où il s’agit de comparer deux dessins identiques sauf 7 détails à repérer. On peut également observer un tableau d’art avec pour projet de s’appesantir sur certains détails. Dans un cas comme dans l’autre, le passage du percept visuel à l’image mentale peut se faire des manières suivantes :
- regarder l’image avec pour projet de le photographier dans sa tête ;
- regarder l’image avec pour projet de se la raconter ;
- regarder l’image avec pour projet d’en ressentir les émotions, de se la dessiner.
2.2 Eduquer l’ouïe
On peut s’appuyer sur des disques où les sons de la nature sont enregistrés. On peut aussi écouter des histoires. Le projet d’attention en pédagogie de la Gestion Mentale reposera sur le fonctionnement suivant :
- Ecouter le son ou le texte avec pour projet de faire exister dans sa tête des images ;
- Ecouter le son ou le texte avec pour projet de le ré-entendre ou de se le ré-citer dans sa tête ;
- Ecouter le son ou le texte avec pour projet de distinguer en quoi il provoque une sensation, une réaction musculaire, une émotion.
2.3 Eduquer le toucher
Il suffit de fermer les yeux et de prendre un objet dans sa main pour se familiariser avec sa taille, son poids, sa masse, sa forme. On procèdera alors de l’une des manières suivantes, ou toutes ensemble :
- Manipuler l’objet avec pour projet de générer une image visuelle dans sa tête ;
- Manipuler l’objet avec pour projet de se raconter des choses à son propos ;
- Manipuler l’objet avec pour projet de ressentir intensément le contact avec la peau et les réactions de son corps.
2.4 Eduquer le goût
Il vaut mieux fermer les yeux, sans que cela ne soit obligatoire. Sur le modèle des recommandations précédentes, on appliquera les dispositions suivantes :
- S’amuser avec l’aliment en bouche (le déplacer avec sa langue) avec pour projet de générer une image visuelle dans sa tête ;
- Nourrir le projet de se raconter des choses à son sujet ;
- Ressentir intensément le contact de l’aliment avec les papilles gustatives et en quoi il provoque une réaction du corps.
2.5 Eduquer l’odorat
Il vaut mieux fermer les yeux, sans que cela ne soit obligatoire. Voici ce qu’il faut faire :
- Approcher ou éloigner le parfum du nez avec pour projet de lui associer une image visuelle ;
- Approcher ou éloigner le parfum du nez avec pour projet de se raconter des choses à son sujet ;
- Approcher ou éloigner le parfum du nez avec pour projet de ressentir des réactions du corps.
3. Les lieux communs à éviter
Il faut éviter de dire aux élèves « soyez attentif » puisqu’on aura pour résultat de focaliser leur attention sur le message énoncé, pas sur le sujet auquel on souhaite qu’ils soient attentifs.
Etre attentif, c’est privilégier un objet de perception avec pour projet de s’en faire une image mentale. Cela implique de ne pas faire le vide dans son esprit. Par exemple, on sera attentif à une voiture jaune dans un parking rempli de voitures rouges, mais on ne pourra être attentif à aucun véhicule si le parking est vide !
L’attention étant associée à un projet, il peut naître de l’inattention. Si je ne suis pas attentif à ce qui existe dans mon champ perceptif, je peux le devenir à partir du moment où j’en forme le projet.
L’inattention de traduit pas automatiquement un manque d’intérêt. En revanche, l’intérêt pour un objet ou une matière peut naître du projet de le/la faire exister mentalement. Cela rejoint ce que nous apprend la neuropédagogie, à savoir que l’intérêt pour un sujet est fonction des points d’ancrage dans nos mémoires à long terme et nos mémoires de travail.
4. L’attention n’est pas la mémoire
L’attention est un outil au service de la mémorisation puisqu’il permet de traduire en image mentale (visuelle, auditive, kinesthésique…) un percept.
Mais l’attention implique que l’on soit présent avec le percept quand il peut exister dans la mémoire sans cette nécessité.
Attention = le sujet (la personne) est en présence du percept
Mémoire = le sujet n’est pas en présence du percept
5. L’attention au service de la compréhension
L’attention qui se définit comme le projet de faire exister en image mentale un percept est un outil au service de la compréhension à partir du moment où ce projet s’enrichit de la volonté de distinguer les relations entre lesdits objets. On pense alors aux relations d’inclusion/exclusion ; ressemblance/différence ; chronologiques, etc.
6. La formule du professeur pour rendre attentifs les apprenants
Nous avons vu qu’il ne faut pas dire « soyez attentifs » à ses élèves ; en revanche, on peut procéder ainsi :
Avant d’aborder le sujet étudié, dire :
- Regardez (ou écoutez) ce que je vais faire avec pour projet de le mettre dans votre tête de la façon qu’il vous plaira, sous forme d’image, de sons, de mots, etc.;
- Identifiez les similitudes ou les différences de votre image mentale avec ce que j’ai dit, montré ou fait ;
- Recommencez ce jeu de va et vient entre vos images mentales et ce que j’ai dit, montré ou fait, jusqu’à ce qu’elles soient fidèles.
7. L’attention au service du contrôle de ses connaissances et de soi
Chercher à comprendre ou à mémoriser lorsqu’on n’a pas généré une image mentale à partir du percept peut conduire à l’un des comportements suivants :
- la fuite ou la paralysie : on ne sait pas quoi faire ni comment le faire ; on abandonne ; on sombre dans la léthargie ;
- une activité excessive : on veut tout faire, on part dans tous les sens.
Cela a été validé par les connaissances en neurosciences sur le fonctionnement de la mémoire de travail. Par exemple, les troubles de l’attention (l’ADD que l’on nomme « hyperactivité ») sont liées à un déficit de mémoire du travail. Il est alors envisageable que les exercices de Gestion Mentale puissent apporter leur concours pour le traitement de ce problème. Aucune expérience clinique n’a pourtant été réalisée dans ce domaine.