Bref résumé des théories psychologiques de l’apprentissage

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Les approches et pédagogies reposent toutes sur des théories psychologiques de l’apprentissage dont vous trouverez ci-dessous un bref rappel.

 

Approche horizontale et verticale

Le cours magistral appartient à la famille des pédagogies verticales, et c’est ce qu’on lui reproche à l’époque du vivre ensemble et de l’intelligence collective. L’information circule verticalement, de l’instructeur (enseignant, formateur, coach…) à l’apprenant. C’est donc une pédagogie centrée sur l’instructeur. A l’opposé, on trouve la famille des pédagogies horizontales comme par exemple, l’enseignement de pair-à-pair, la classe inversée ou renversée où l’information circule horizontalement, entre apprenants. L’instructeur joue alors le rôle de guide. Cette famille est centrée sur l’apprenant. Notons que dans un cas comme dans l’autre, on parle bien d’information, pas de connaissance. La connaissance n’est pas transmissible, elle se forme individuellement d’une manière si complexe qu’elle n’est pour le moment pas imitée par l’Intelligence Artificielle qui ne traite que des informations.

Dans la pratique, les formateurs et enseignants font souvent appel à de l’horizontalité et de la verticalité au cours de la même séance, ce qui interroge sur la pertinence de ce classement, essentiellement théorétique (= qui vise uniquement la connaissance) et sur la validité écologique (= ce qui se passe réellement dans le monde complexe dans lequel nous évoluons) de certaines études scientifiques. L’espace et le temps de formation ne sont pas fixés par les familles pédagogiques, et les stagiaires, élèves et étudiants le font bien savoir. Et comme dirait un ami : « si tu l’ignores, t’es mort ! »

Si l’apprentissage relève du domaine de la pédagogie, il est également étudié en psychologie et s’inscrit dans l’un des grands courants (ou théories) psychologiques de l’apprentissage.

 

L’introspection

Pendant longtemps, la psychologie a été animée par l’introspection, ce qui posait aux psychologues un grand problème : comment observer de manière objective les pensées de quelqu’un pour en tirer une théorie scientifique ? L’introspection s’appuyait ainsi sur la phénoménologie, un mot compliqué qui signifie seulement « description des phénomènes ». La pédagogie de la Gestion Mentale, inventée par Antoine de la Garanderie, toujours employée et injustement critiquée, est une pédagogie de l’introspection.

 

Le behaviorisme

A la psychologie (et philosophie) de l’introspection, a succédé le behaviorisme. Vous connaissez sans doute Pavlov et ses chiens, sans doute moins Skinner et ses rats, et encore moins Thorndike. Bref, le behaviorisme est une réponse aux manques de la psychologie de l’introspection, et vise à révéler puis modeler les comportements. La notion de « performance observable », que j’emploie de temps à autre, provient du behaviorisme et signifie « un comportement que l’on peut observer ». Pour le behaviorisme, l’apprentissage est un changement de comportement que l’on doit donc pouvoir prouver. Et ce changement de comportement repose sur 3 axes : l’acquisition d’un comportement, le renforcement de ce comportement, et l’association entre les stimuli et le comportement observable de l’individu.

Par exemple, en pédagogie, le modèle IRE (Initiate, Response, Evaluate), le plus couramment employé de tous les modèles pédagogiques, provient du behaviorisme.

Voici la séquence de ce modèle :
L’enseignant (Initiate): quelle est la capitale de la France ?
L’apprenant (Response): Paris
L’enseignant (Evaluate): Bravo, c’est bien Paris.

Le behaviorisme est ainsi à la base de tout ce qui implique une récompense (bons de réduction, miles, primes, notes…), la ludification, les Thérapies cognitivo-comportementales, les apprentissages gestuels, l’adaptative learning, etc.

Pour le behaviorisme, un comportement est complexe, donc celui-ci doit être détaillé pour être acquis par l’apprenant. D’où la vision atomistique: on découpe le tout en ses parties.

Diviser un apprentissage en ses éléments simples, annoncer que vous allez enseigner ces éléments simples à l’aide de verbes d’action précédés de la formule « à la fin de cette formation, vous saurez… », cela ne vous rappelle rien ? Mais si, c’est bien cela : l’approche par compétences (ou competency based training/learning) si chère à la formation professionnelle, et aujourd’hui à l’enseignement secondaire et très bientôt à l’enseignement supérieur.

Et devinez quoi ? Cela a déjà été expérimenté, critiqué et abandonné dans le passé. Cette approche est excellente pour de nombreux apprentissages, mais très limitée pour beaucoup d’autres, y compris lorsqu’on veut monter en compétences (ce sera l’objet d’un prochain articulet). Et quasi-nulle pour la créativité.

 

La Gestalt-psychologie et l’école de Würzburg

Parallèlement au behaviorisme, s’est développé en Allemagne la Gestalt-psychologie qui étudie le comportement non pas dans ses détails (vision atomistique) mais comme un tout (vision holistique). La Gestalt-psychologie et l’école de Würzburg s’appuient beaucoup sur des méthodes spécifiques à appliquer dans des conditions spécifiques : les problèmes sont différents, chacun a sa méthode de résolution.

 

Le cognitivisme

Puis vint la psychologie cognitive à la fin des années 50. Si le behaviorisme était une réponse aux errements de la psychologie de l’introspection, le cognitivisme était une réponse aux errements du behaviorisme. Pour les cognitivistes, un individu ne se résume pas à l’algorithme stimulus-réponse-renforcement qui permet seulement d’accéder à l’imitation, aux comportements simples. Effectivement, comment expliquer que l’on puisse inventer, créer, innover si l’on se contentait d’acquérir et renforcer un comportement sur la base d’un programme existant ?
Les cognitivistes voyaient donc le cerveau comme un ordinateur (qui ordonne/traite les informations) : il acquiert les informations, il les traite, il les mémorise.

La pédagogie du cours magistral est cognitiviste.

 

Le constructivisme

Prenons notre petite fusée temporelle, et faisons un bond d’une vingtaine d’années dans le futur.

Les années 70 voient la naissance d’un nouveau courant psychologique, en réponse aux errements du cognitivisme. Effectivement, le cerveau n’est pas un ordinateur qui traite les informations venant d’en haut. L’apprenant n’est pas un buvard qui absorbe les informations, ce n’est pas un vase vide qui se remplit. La connaissance n’est pas une information. L’apprenant est le seul à pouvoir transformer l’information en connaissance. La connaissance résulte d’une interprétation de l’information par l’apprenant.

Ce courant s’appelle le constructivisme.

Comment en est-on arrivé à penser que l’apprenant ne traite pas tout à fait l’information comme un ordinateur, et qu’on ne peut pas davantage le programmer (les mauvaises langues diront « dresser ») ?

Parce que, soumis à un problème à résoudre, un apprenant est capable d’inventer une stratégie de résolution, qui par définition ne lui a pas été enseignée !

Comme seul l’apprenant apprend, le rôle de l’enseignant doit changer, et l’apprentissage ne doit plus être centré sur l’enseignant, le maître, le sachant, mais sur l’apprenant. Le rôle de l’enseignant est de guider l’apprenant, et l’apprentissage doit être centré sur l’apprenant. Les pédagogies de la découverte sont constructivistes, ainsi que le Problem Based Learning.

Les constructivistes pensaient que la connaissance se développait au sein de l’apprenant, certes dans une interaction de celui-ci avec son environnement, mais indépendamment des situations. Ainsi, si on avait appris la multiplication à l’école, on saurait multiplier hors de l’école, et inversement. La situation ne compte pas.

Seulement, voilà, ce n’est pas aussi simple que cela !

 

Le socio-constructivisme

De nombreux cas prouvent que l’apprentissage est contexte-dépendant. Ainsi, des vendeurs de rue au Brésil, experts en arithmétique (ils comptaient toute la journée), étaient incapables de reproduire leur performance dans un laboratoire, alors qu’on leur demandait de faire ce qu’ils faisaient à longueur de journée. De même, des clientes de Weight Watchers étaient capables de résoudre des problèmes mathématiques pendant qu’elles faisaient leurs courses, mais incapables lorsque les mêmes problèmes devaient être résolus avec un papier et un crayon.

Prenons par exemple les mots « je » et « ici » dans la phrase « je vis ici ». Vous avez appris ce que « je » signifie, et ce qu’ « ici » signifie. Vous connaissez le sens de ces mots. Seulement, il vous est impossible de dire qui est ce « je » ni où se trouve « ici ». Vous avez besoin du contexte.
Parce que le cerveau cloisonne, la connaissance est située dans un contexte. Eh oui, vous avez beau avoir travaillé pendant 10 ans dans une banque, vous n’allez pas faire preuve de la même performance dans une autre banque, y compris pour le même poste. Il va vous falloir apprendre du nouveau contexte.
C’est encore plus prégnant pour le sport où l’on parle de période d’adaptation.

La cognition (percevoir, réfléchir, comprendre, mémoriser…) et l’apprentissage (processus qui s’appuie sur la cognition pour produire un changement) dépendent du contexte (donc de la culture) dans laquelle elles s’exercent.
Le courant qui a étudié et théorisé cela s’appelle le socioconstructivisme.

 

Pour terminer

L’apprentissage est quelque chose de très complexe. Les solutions universelles, les yakafokon, les super-héros de la formation, les solutions miracles sorties du chapeau, tout cela n’existe pas. C’est du pipeau.
Toutes les pédagogies, tous les courants de la psychologie sont utiles et bons. Il n’y a rien à jeter.

Il faut juste les connaître, savoir les utiliser, les critiquer pour au final développer son propre style, tout en sachant que l’enseignant ou le formateur ne seront jamais irréprochables, ne serait-ce que parce que tout dépend de l’apprenant.

 

Note : Vous pouvez faire figurer ce texte n’importe où pour tout usage non commercial, sans modification, à condition que vous établissiez un lien vers neuropedagogie.com et citiez son auteur.

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