Mieux apprendre en organisant l’espace

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Un apprentissage performant ne relève pas uniquement des capacités cognitives de l’apprenant. La méthodologie et la pédagogie jouent un rôle primordial. Des milliers de chercheurs explorent le plus petit détail qui puisse aider les élèves, étudiants et adultes en formation. On aurait tort de négliger la moindre avancée d’autant que la pédagogie systémique postule – comme toute systémie – que le tout dépasse la somme des parties. Les neurosciences appliquées à la pédagogie – la neuropédagogie – s’intéressent ainsi à l’organisation de l’espace d’apprentissage.

 

 

1. Un espace intime

 

Lorsqu’on organise son espace, la recherche de l’intimité, de la personnalisation, doit être la première règle ; tout le reste doit découler de cet axiome. Les salles de classe, les amphithéâtres et les salles de formation ne doivent pas faire exception. Malheureusement, en France, ce n’est pas le cas. L’austérité prime dans l’Hexagone, soit par manque de moyens financiers soit parce qu’une conception (c’est-à-dire un préjugé) postule que la rigueur et la qualité du travail en découlent. Qui est allé visiter les salles de classe dans les établissements privés anglo-saxons éprouvera un choc en revenant en France.

Pourquoi l’apprenant doit-il  s’approprier un espace confortable, ergonomique et sécure ?

 

Le cerveau triune de Paul MacLean

 

Paul MacLean est un médecin et neurobiologiste américain, auteur de la théorie du cerveau triune. Cette théorie prétend que le cerveau de l’embryon humain se développe selon trois phases qui correspondent à l’évolution des espèces sur Terre : le cerveau « reptilien » précède le « cerveau limbique » et le « néo-cortex ». Le premier est centré sur les fonctions vitales et le comportement de survie, le second sur les émotions, le dernier sur les fonctions supérieures. Les dernières avancées en neurosciences remettent en question certains aspects de la théorie, mais la valident globalement. Cependant, la théorie du cerveau triune de Paul MacLean est essentiellement pour les pédagogues un modèle explicatif simple dont on peut tirer quelques enseignements utiles mais sur lequel on ne peut reposer aucune pédagogie spécifique sous peine de tomber rapidement dans l’un des nombreux neuromythes que l’on trouve abondamment sur le Web comme dans les livres de « Folk Psychology » ou encore dans des formations on ne peut plus fantaisistes.

Mais il est vrai qu’un espace où l’apprenant se sent bien, où il jouit du confort comme de la sécurité, mettra au repos son cerveau « reptilien ». Celui-ci est notamment responsable du comportement de survie « fight or flee » (affronter son adversaire ou le fuir), que le danger soit réel ou fictif. Le cerveau ne distingue pas bien la réalité de la fiction. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer son propre comportement face à des scènes d’action : bien que confortablement installés dans notre fauteuil – le danger est donc fictif -, ne participons-nous pas aux scènes par des mouvements mêmes infimes de notre corps ?

Un espace étranger représente une source de danger potentiel qui met en alerte le cerveau « reptilien » de l’apprenant. Celui-ci n’est pas sur son territoire. Voilà pourquoi lorsque nous entrons dans une pièce, nous l’examinons attentivement, ignorant tout ou partie des propos qu’on peut nous tenir pendant cette phase exploratoire. Il faudra un certain temps pour que le processus d’habituation contrebalance l’alerte du cerveau « reptilien ». La chaleur humaine, le sourire de l’hôte des lieux (le professeur par exemple), la présence de camarades reconnus et le contact physique comme une main sur l’épaule (à condition que ce soit culturellement et individuellement accepté) sont de nature à alimenter le sentiment de sécurité.

Un espace intime et confortable, que l’on s’est approprié, sera également une source d’émotions positives qu’interprétera le « cerveau limbique », favorisant les apprentissages. Nous le verrons en détail dans le cours consacré à l’apprentissage émotionnel.

Un « cerveau reptilien » en sommeil, un « cerveau limbique » fruit d’émotions positives pourront libérer tout le potentiel du néo-cortex, siège de l’apprentissage.

 

Mémoire de travail et surcharge cognitive

 

Le premier besoin qui motive la vie est le besoin de sécurité. Celui-ci encombre la mémoire de travail. La mémoire de travail correspond métaphoriquement à la mémoire vive (RAM) d’un ordinateur et nous permet de gérer plusieurs informations en même temps, de 5 à 9 en moyenne (selon un modèle théorétique qui ne fait pas l’unanimité…comme souvent). On appelle cela « l’empan mnésique ». La mémoire de travail joue un rôle critique dans ce qu’on nomme l’intelligence. Si l’on se pose des questions sur sa sécurité ou son confort, on est moins disposé à gérer les informations que l’enseignant nous présente.

 

Quelques conseils pratiques :

  • Laisser aux apprenants le temps de découvrir leur espace de travail lorsqu’ils y pénètrent pour la première fois ou lorsque des modifications importantes ont été apportées. L’enseignant peut accompagner ce temps d’exploration ;
  • Organiser un rituel avant de commencer à travailler ;
  • Permettre aux apprenants de personnaliser leur espace de travail lorsque cela est possible. A la maison, il vaut mieux travailler dans sa chambre ou son bureau que dans le salon ou toute autre pièce commune ;
  • Tout espace de travail doit être équipé de fenêtres ;
  • Disposer une petite fontaine dans la pièce à la fois pour le son rassérénant qu’elle produit mais aussi pour l’importance qu’a l’eau, symbole de la vie et du bien-être ;
  • La pièce où l’on travaille ne doit pas être confinée. Elle doit être grande lorsque c’est possible. Dans le cas contraire, de grandes fenêtres, des miroirs ou une porte ouverte offriront plus d’espace.
  • Aérer régulièrement la pièce (toutes les 2 heures en moyenne), c’est essentiel.

 

 

2. La lumière

 

On observe que notre exposition à la lumière naturelle a fortement diminué. Cela entraîne certains troubles.

Effectivement, les ultraviolets aident à synthétiser la vitamine D, capitale pour l’absorption des minéraux essentiels comme le calcium. Or, un déficit de minéraux peut conduire à une déficience cognitive non verbale (Benton & Roberts, 1988).

D’autre part, une faible exposition au soleil (à condition qu’elle soit répétée) supprime la production de mélatonine, un neurotransmetteur impliqué dans le sommeil, l’horloge naturelle, le rythme circadien.

De même, le manque d’exposition au soleil augmente le risque de dépression (la dépression chronique hivernale est parfaitement reconnue) en raison d’un niveau trop bas de sérotonine. Au contraire, une exposition prolongée et répétée à la lumière réduit les symptômes de la dépression d’après une étude réalisée en 1995 par Yamada, Martin-Iverson, Daimon, Tsujimoto, & Takahashi.

La dépression saisonnière entraîne des problèmes cognitifs, surtout une déficience de la mémoire visuelle et verbale comme des troubles de l’attention d’après une étude menée en 1997 par Michalon, Eskes et Mate-kole.

Une étude conduite aux Etats-Unis par Harmon (1951) sur plus de 160 000 élèves a souligné un lien entre l’exposition à la lumière naturelle et les problèmes sanitaires et scolaires. Ceux qui étaient davantage exposés à la lumière naturelle voyaient certains problèmes diminuer drastiquement :

  • les difficultés visuelles ont décliné de 65%
  • les problèmes liés à la nutrition de 48%
  • les infections chroniques de 43%
  • la fatigue chronique de 56%
  • les troubles posturaux de 26%

Ce lien fut confirmé par d’autres neuroscientifiques (MacLaughlin, Anderson, & Holic en 1982; Eric Jensen en 1995 ; Heschong en 1999).

L’étude « Heschong » fut conduite auprès de 21 000 étudiants. Les élèves dont les classes étaient les plus exposées à la lumière du soleil ont progressé aux épreuves de mathématiques 20% plus rapidement que ceux qui étaient les moins exposés, et 26% aux épreuves de lecture.

Certaines lumières – comme les lampes fluorescentes, les néons – peuvent augmenter l’hyperactivité, provoquer des maux de tête ou encore accroître la fréquence et les effets de l’épilepsie chez ceux qui souffrent de cette maladie.

 

Conseils pratiques

  • La pièce doit être bien éclairée afin d’offrir une exposition maximale à la lumière naturelle, mais indirecte. La lumière directe éblouit ce qui est également mauvais ;
  • Bannir les ampoules fluorescentes et bruyantes ;
  • Sortir entre deux cours plutôt que de rester enfermé dans les bâtiments ;
  • Ne pas assombrir la pièce, même si on profite mieux de l’ordinateur ou de la télévision.

 

 

3. Les sièges, les tables, la place des élèves

 

Les sièges

 

La spécialiste de la chaise se nomme Galen Cranz. Elle est professeur d’architecture à l’université de Berkeley. Pour madame Cranz, la chaise d’école est peu ergonome, elle augmente la pression dans le bas du dos.

La chaise d’école idéale devrait réunir les caractéristiques suivantes :

  • Obliger à maintenir les épaules vers l’arrière et le menton vers le haut ;
  • Permettre le repos du bras pour diminuer la pression sur la partie supérieure du corps ;
  • Les pieds des élèves doivent toucher le sol mais les jambes ne doivent pas pouvoir toucher le plateau

Selon une étude conduite par Linton, Hellsing, Halme, & Akerstedt en 1994, une mauvaise position assise peut entraver l’apport de sang au système nerveux et occasionner une fatigue prématurée et un inconfort préjudiciables à la cognition. Il faut se tenir bien droit pour irriguer parfaitement le cerveau selon ces auteurs.

 

Le bureau

 

Pour Galen Cranz, celui-ci doit être incliné pour offrir un meilleur confort de lecture.

Le bureau doit être vierge de tout objet qui puisse troubler la concentration. Il doit être placé de telle façon que la lumière vienne des côtés, du dos ou du dessus. Jamais de face.

Avant de s’installer pour travailler, il convient de faire l’inventaire de tout le matériel dont on a besoin pour éviter d’avoir à se lever, ce qui ferait perdre un temps précieux. Effectivement, on est trop facilement tenté de prendre un objet qui jouxte le livre ou cahier dont on a besoin mais qu’on a laissé sur l’étagère.

 

La place des apprenants

 

La place des apprenants dans la salle dépend de l’activité.

Pour les activités de groupe où l’interaction est privilégiée, on peut organiser les tables en demi-cercle. Les apprenants seront moins concentrés mais cela est compensé par d’autres apports.

Pour les activités individuelles, le rang est adéquat. Il réduit les bavardages et favorise la concentration.

L’organisation de la salle doit permettre une circulation aisée, notamment pour que les apprenants à forte gestion kinesthésique puissent bouger sans perturber les autres. Certaines écoles offrent avec succès la possibilité à ce type d’apprenants de faire quelques mouvements en silence au fond de la salle (on y trouve même des coussins !), quand d’autres organisent ces mouvements pour l’ensemble de la classe. On n’observe pas de débordement. Les écoles qui ont fortement intégré la théorie des intelligences multiples d’Howard Gardner ou les Key Schools  procèdent de la sorte. Elles obtiennent d’excellents résultats scolaires, connaissent un absentéisme faible et peu de problèmes de disciplines.

Permettre aux jeunes apprenants de se placer à côté de leurs camarades peut être l’objet d’un contrat, il faut en effet compter sur le bavardage. En revanche, l’apprentissage social est stimulé par le changement de place, pourvu qu’il n’y ait pas d’inimitié entre les voisins.

 

 

4. Le mur, un outil de structuration et de mémorisation

 

Si les papiers peints à rayures sont à proscrire, les murs nus ou trop décorés ne représentent que peu d’intérêt pour bien apprendre. Malheureusement, le mur est un espace délaissé alors qu’il peut aider le cerveau à structurer les informations et mieux les mémoriser. C’est ce qu’enseignent la neuropédagogie et la pédagogie systémique.

 

Pour structurer correctement une information et en tirer tout le bénéfice, le cerveau a effectivement besoin :

  • de voir les informations dans un contexte englobant ;
  • de passer du général au particulier ;
  • de voir les liens entre les informations ;
  • d’observer du mouvement.

 

Application pratique en salle de classe et amphi, salle de formation, à la maison

  • Réserver une grande partie des murs à l’exposition du plan général de chaque matière sous forme de Mind Map ©. Celui-ci est permanent.
  • Réserver une partie du mur à l’exposition du plan du cours sous forme de Mind Map ©. Celui-ci est temporaire.
  • Regarder régulièrement le plan général de chaque matière comme le plan de chaque cours. Ne pas dépasser cinq minutes. La durée est à moduler en fonction de la richesse de la matière, de la leçon. Trente secondes peuvent ainsi suffire.

 

 

5. Organiser des espaces « Brain Friendly » : conseils aux décideurs, organismes de formation et formateurs indépendants

 

Même si l’application des informations précédentes qui proviennent de la recherche scientifique devrait déjà améliorer la qualité des formations, toutes les mesures à prendre n’ont pas été énoncées. Une mission d’audit et de conseil a toute sa place pour évaluer les espaces de formation et les organiser de manière à optimiser leur qualité. N’hésitez pas à nous contacter.

 

Ressources numériques :

 

Ressources bibliographiques :

Jensen, Eric P. : Teaching with the Brain in Mind
Lackney, Jeffrey A. : Educational Facilities: The Impact and Role of the Physical Environment of the School on Teaching, Learning and Educational Outcomes
Tate, Marcia L. : Shouting won’t grow Dendrites, 20 techniques for managing a brain-compatible classroom.

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