Les incidences de la mémoire de travail

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La mémoire de travail est un concept clef et ses incidences sont multiples, dans la vie quotidienne, dans la réalisation de tâches cognitives complexes, dans la capacité à être attentif, dans les troubles de l’attention, dans les apprentissages, dans la réussite scolaire, universitaire et professionnelle.

Pour bien comprendre le contenu de ce cours, je vous invite à lire dans l’ordre :

– Introduction à la mémoire de travail

– Organisation et fonction de la mémoire de travail

– Les capacités de la mémoire de travail

 

 

Mémoire de travail et vie quotidienne

 

Les implications de la mémoire de travail dans nos vies quotidiennes sont innombrables, et une défaillance en ce domaine nous empêcherait de réaliser bon nombre d’actions apparemment simples :

  • réaliser deux actions en même temps (l’une doit être automatique), comme parler et faire la vaisselle ;
  • se souvenir d’un numéro de téléphone qu’on nous communique, en attendant de le noter ou de le composer ;
  • se diriger vers un point précis ;
  • pendre en compte une modification, comme se rendre au guichet A5 au lieu du guichet B8 pour embarquer dans l’avion ;
  • profiter d’une promotion flash et se rendre dans le rayon indiqué ;
  • ne pas être distrait par l’ensemble des stimuli ;
  • etc.

 

 

Mémoire de travail et performance dans des tâches cognitives complexes

 

Si la mémoire de travail est impliquée dans les actes les plus simples de la vie quotidienne, elle est également indispensable pour réaliser des tâches cognitives complexes. Aussi, des différences dans la performance de la mémoire de travail conduisent à des différences dans la performance aux tâches cognitives complexes.

On pense avant tout à la compréhension des énoncés écrits et oraux. En effet, pour comprendre le sens d’une phrase, il faut connaître la définition de chaque mot au sens du dictionnaire (sa dénotation), les sens additionnels de ce mot et qui dépendent du contexte (la connotation, la portée symbolique), la place de ces mots dans la phrase, les relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres, enfin les règles de grammaire, et pour l’écrit, les règles d’orthographe. Ainsi, quelqu’un qui dispose d’une mémoire de travail assez faible sera en échec pour comprendre la phrase précédente parce qu’elle est trop longue pour lui. De la même façon, l’emploi des pronoms (qui ont pour rôle de remplacer un nom ou un groupe nominal) peut induire ce lecteur (ou auditeur) en erreur, parce qu’il peut lui être difficile de se souvenir de quel nom il est le substitut. De la même façon, la capacité de la mémoire de travail influera sur la méthode d’acquisition de la lecture, globale, syllabique ou l’une des méthodes mixtes.

La capacité de la mémoire de travail influera aussi sur l’acquisition des langues étrangères, pour ceux qui pensent dans la langue étrangère (et n’effectuent plus de traduction), mais surtout pour ceux qui traduisent. Pour autant, les interprètes sont les personnes qui doivent disposer d’une capacité importante en mémoire de travail, parce qu’il leur faut maintenir dans leur mémoire temporaire le message dans la langue A, puis l’émettre dans la langue B, tout en écoutant la suite du message dans la langue A.

On pense également au calcul mental. Quand on fait une multiplication à deux chiffres (comme 23*12), on peut faire 2*23, retenir dans sa tête son résultat, 46, puis faire 23*10, retenir dans sa tête son résultat 230, enfin ajouter 46 à 230. Si cette multiplication est plutôt simple, effectuer mentalement 496*249 est autrement plus compliqué, et demandera davantage de ressources en mémoire de travail. Trois phénomènes viendront alors nous aider : l’entraînement au calcul mental, l’emploi d’une stratégie de calcul et les images mentales visuelles. Ces dernières nous permettront de prendre une «photo» des résultats partiels de calcul. Le principe est de décomposer le calcul complexe, en éléments simples (comme faire 496*9=4464, puis 496*40=19840, puis 496*200=99200). A chaque fois qu’un résultat partiel est découvert par le calcul, on prend une «photo» (on le voit dans sa tête), puis il ne reste qu’à additionner les trois. Ainsi on utilise au mieux la boucle phonologique et le calepin visuo-spatial. Mais cela demande auparavant un certain entraînement aux images mentales. Nous verrons cela en détail ultérieurement. En attendant (permettez-moi une petite digression parce que je pense systémiquement, tout est lié, en plus le calcul mental est fondamental pour la mémoire de travail et le sens des mathématiques), et contrairement à ce qui est enseigné dans les écoles, il vaut mieux calculer de gauche à droite que de droite à gauche. Pour calculer 23*12, on enseigne à faire 23*2 puis 23*10, or il vaut mieux faire 23*10 puis 23*2. Et il existe des méthodes extrêmement efficaces employées par les calculateurs prodiges, j’y reviendrai. Poursuivons.

La mémoire de travail intervient dans toutes les tâches de raisonnement, comme la résolution de problèmes. En effet, il faut maintenir dans sa mémoire temporaire des données et les croiser, des règles de traitement desdites données, effectuer des calculs, inhiber les informations inutiles et fausses, etc. La mémoire de travail est donc intimement liée aux fonctions exécutives ; elle détermine le nombre de variables que l’on peut traiter en même temps (1).

La mémoire de travail intervient aussi dans la créativité, si on définit cette dernière comme l’acte qui tend à trouver une présence dans l’absence (on a l’intuition qu’il existe quelque chose qu’on ne perçoit pourtant pas), mais aussi l’acte qui consiste à trouver une solution inédite à un problème inédit.

La recherche computationnelle a également prouvé le rôle majeur de la mémoire de travail dans les actions de catégorisation, planification, raisonnement, compréhension du langage et résolution de problème. (2)

 

 

Mémoire de travail et attention

 

On est toujours attentif à quelque chose, et même lorsqu’on souhaite faire «le vide» dans son esprit, on est attentif à ce commandement. Ce qu’on appelle «attention» est le fruit d’une lutte entre plusieurs objets d’attention ; c’est en réalité une compétition entre neurones (selon le connexionisme).

L’attention est donc le fait d’éliminer les stimuli parasites pour se concentrer sur ceux de son choix. En fait, c’est un peu plus compliqué parce qu’il existe différentes formes d’attention, j’y reviendrai dans des cours consacrés aux problématiques de l’attention.

On comprendra alors que contrôler son attention pour la diriger consciemment demande des ressources à la mémoire de travail parce qu’il faut sélectionner, donc inhiber les stimuli indésirables.

Les personnes à la faible mémoire de travail éprouvent ainsi de grandes difficultés à distinguer les informations pertinentes de celles qui sont inutiles, dans une conversation, dans un texte, dans l’environnement visuel…

Les troubles de l’attention (qu’ils soient accompagnés ou non d’hyperactivité ou d’impulsivité) sont donc vraisemblablement liés à un déficit en mémoire de travail, et des exercices pour stimuler cette dernière peuvent diminuer lesdits troubles.

 

 

Mémoire de travail et multitasking

 

Le multitasking se définit comme la faculté de faire plusieurs choses à la fois. En cela, contrairement à l’idée reçue, les femmes ne sont pas meilleures que les hommes.

Il est possible de faire plusieurs choses à la fois, mais à la condition que l’une soit automatique. En effet, par définition, une tâche qui utilise la mémoire de travail ne peut pas être automatique parce que les informations qu’elle contient doivent toujours être encodées via l’activation continue des lobes frontaux et pariétaux.

Ainsi, toutes les études sur le multitasking ou le dual-tasking ont noté une diminution de la performance dans l’accomplissement de ces tâches. Il vaut mieux se concentrer sur une seule tâche, et ce, dans un environnement débarrassé de tout stimulus indésirable.

 

 

Mémoire de travail, intelligence et Qi

 

Si la mesure du Qi ne rend pas compte de toutes les formes d’intelligence et objective encore moins la réussite sociale, elle demeure malgré tout un bon indicateur pour les intelligences spatiales, linguistiques et logico-mathématiques au sens des intelligences multiples d’Howard Gardner.

Et si l’intelligence fluide (gf) compte environ pour moitié dans la mesure du Qi, on a noté une corrélation de 0.6 à 0.8 entre la mémoire de travail et la performance aux tâches de raisonnement dans les matrices progressives de Raven.

Si bien que les détracteurs du Qi affirment que ces tests mesurent en réalité la mémoire de travail, pas l’intelligence.

 

 

Mémoire de travail, réussite scolaire et réussite professionnelle (3)

 

La capacité de la mémoire de travail est sans doute l’un des facteurs les plus prédictifs de la réussite scolaire ; la corrélation est beaucoup plus forte qu’avec la mesure du QI ou des intelligences multiples. Autrement dit, plus notre mémoire de travail est importante, plus on a de chance de réussir nos études et/ou nos concours, et inversement.

L’exercice de certaines professions dépend également de la capacité de la mémoire de travail, ou plutôt de ses composantes (comme la boucle phonologique pour les données verbales et le calepin visuo-spatial pour les images et les données spatiales).

Malgré tout, on peut vraisemblablement (cet adverbe a son importance) améliorer la qualité de sa mémoire de travail :

-en développant la mémoire de travail via des exercices spécifiques ;

-en devenant expert dans nos domaines de prédilections (cette voie offre de loin les résultats les plus certains). C’est-à-dire qu’à force de travail, de répétition, de mémorisation, d’exercice, on peut réaliser des tâches complexes sans y penser ; cela épargne les ressources en mémoire de travail qui deviennent alors disponibles. Métaphoriquement, si un expert en astronomie et un profane ont tous deux 7 «cases» en mémoire de travail (chaque «case» permet de gérer un item), discourir sur la composition d’une géante gazeuse n’occupera par exemple que 2 cases chez l’expert, mais 6 chez le profane.

 

Quelques conseils

 

Quand on s’adresse à quelqu’un avec un déficit important de la mémoire de travail (objectivé par des tests neuropsychologiques établis par des psychologues, non par des tests que l’on trouve sur des sites Internet même s’ils sont fournis par des psychologues), voici ce qu’il est conseillé de faire :

  • être court et succinct
  • répéter les informations
  • choisir des mots simples, peu de métaphores, pas d’effet de style
  • montrer des images en même temps que l’on parle (pour les apprentissages)

 

Tout apprenant qui a un déficit en mémoire de travail, même léger :

  • découper les éléments complexes en éléments simples (par exemple, découper une phrase complexe en phrases simples)
  • répéter les informations
  • travailler davantage
  • traduire un texte en graphique et un graphique en texte

 

Dans tous les cas :

  • Travailler et étudier dans un environnement calme, sans distraction. L’open space, la musique, le bruit, bref, tout stimulus inutile doit être inhibé ; si on les réduit, cela épargne la mémoire de travail.
  • Avant de se mettre à étudier ou à travailler ou avant de passer un examen, noter sur une feuille tout ce qu’il y a d’important à faire, pour être certain de ne pas oublier. On est ainsi rassuré, et notre mémoire de travail est davantage disponible.

 

Notes

 

(1) How many variables can humans process ?, psychological science 2005 Jan;16(1):70-6 : Halford GS, Baker R, McCredden JE, Bain JD.

 

(2) Edward E. Smith : working memory in The MIT Encyclopedia of the cognitive sciences, p.889

 

(3) Je détaillerai cela dans d’autres cours

Une réponse

  1. Article édifiant et permettant de disposer d’informations utiles pour réagir face aux situations similaire en situation d’apprentissage scolaire.
    Ma question: la faiblesse de mémoire de travail n’a-t- elle pas des incidences sur les capacité d’analyse ou de compréhension fine en situation de lecture ou de production d’écrits?
    Mes remerciements

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