Si on peut mémoriser sans comprendre, en revanche, on ne peut pas apprendre sans mémoriser. La mémoire est au coeur des apprentissages, c’est un lieu commun. Après avoir exposé et expliqué le cours de Barbara Oakley et Terrence Sejnowski sur la mémorisation, je le critiquerai avant d’approfondir la question de la mémorisation.
1. La mémorisation : exposition et explication
Barbara Oakley et Terrence Sejnowski nous rappellent le rôle fondamental de la mémoire à court terme et de la mémoire de travail, deux mémoires qui permettent de mémoriser temporairement 4 ou 7 chunks.
Grâce à la répétition, ces mémoires temporaires vont transmettre l’information aux mémoires à long terme.
La répétition et l’entraînement solidifient les connaissances. La pratique rend permanentes les connaissances stockées.
L’apprentissage distribué est plus efficace que l’apprentissage massé. L’apprentissage distribué est le fait de répartir son apprentissage dans le temps, apprendre un peu chaque jour ou presque. L’apprentissage massé est le fait de tout apprendre le même jour ou presque. Si on a prévu de consacrer 6 heures aux mathématiques (ou à n’importe quelle autre discipline), il vaut mieux prévoir 6 séances d’une heure (apprentissage distribué) qu’une séance de 6 heures ou 2 séances de 3 heures (apprentissage massé). Bref, il ne faut pas bachoter. Sur le plan neurobiologique, tout ceci s’explique par la nécessité de construire des réseaux de neurones. Ces réseaux de neurones forment physiquement une carte des connaissances.
Notre système de mémoire visuelle et spatiale est très performant. Il repose largement sur les images mentales visuelles. Si on associe ces images mentales visuelles à l’analogie, on mémorise encore mieux. Par exemple, pour se souvenir de la seconde loi de Newton (F=ma), soit la (F)orce est égale à la (M)asse multipliée par l’(A)ccélération, on peut imaginer que Luke Skywalker (Force) projette une (Masse) de plus en plus vite (Accélération) grâce à ses pouvoirs télékinétiques. Plus l’image est évocatrice et amusante, mieux on s’en souviendra.
Les autres images mentales (le fait de se parler, de sentir une odeur dans sa tête, de goûter une saveur dans sa tête, etc.) sont aussi utiles pour mémoriser.
Les moyens mnémotechniques sont donc recommandés pour apprendre.
Relire plusieurs fois ses notes n’apporte pas grand-chose. Cela donne l’illusion de la compétence. Il vaut mieux mémoriser de différentes façons plutôt que répéter inlassablement la même chose. Il faut répéter, mais pas à l’identique ; il faut introduire de la variété.
Pour bien mémoriser, il faut se tester souvent. Les mini-tests obligent à utiliser une méthode de mémorisation très efficace : le rappel. Ce n’est pas le test qui est en lui-même efficace, plutôt le fait que cela nous oblige à réactiver nos souvenirs. Le rappel est bien plus efficace que relire inlassablement ses notes, ou d’employer les concepts maps et autres Mind Maps. Le logiciel de flashcards ANKI, gratuit, est très utile pour solliciter cette méthode de rappel.
On apprend et mémorise mieux ce que l’on fait soi-même.
Le sommeil est capital. Il élimine les toxines, tout ce qui encombrait la mémoire, et renforce la mémorisation.
2. La mémorisation : critique
Un point risque de porter à confusion : le fait que la pratique rend permanentes les connaissances stockées. La vidéo peut faire penser que lorsqu’on apprend et répète une information, on la mémorise pour toujours. Ce n’est pas le cas. On n’oublie pas une information si on s’en sert. Mais si on n’en sert pas, on risque de l’oublier. Les souvenirs qui restent les plus stables sans répétition régulière sont tous les apprentissages moteurs, sans doute parce qu’ils sont fortement reliés au cervelet (pas seulement) où l’on trouve la plus forte densité neuronale. Ainsi, on saura conduire, faire du vélo, effectuer un pas de danse, un coup droit au tennis 20 ans après avoir cessé de pratiquer ces activités. On aura perdu en performance bien sûr, et les combinaisons techniques comme une chorégraphie seront vraisemblablement partiellement oubliées. Mais les bases seront là.
Les images mentales sont effectivement une manière très efficace de mémoriser, mais il n’y a pas lieu de se forcer à trouver une image plaisante. Cette idée de trouver une image plaisante a été popularisée par Tony Buzan. Mais c’est de la pop-psychologie. Les spécialistes en images mentales, Paivio et Kosslyn ont fait des expériences scientifiques : on ne mémorise pas mieux avec des images mentales plaisantes. En revanche, il faut concrétiser une image. Par exemple, l’image de la justice (abstraite) doit être remplacée par l’image d’un juge ou d’une balance (concrètes).
Les capacités moyennes de la mémoire à court terme et de la mémoire de travail, présentées ici reposent sur deux modèles :
– un modèle britannique de Baddeley et Hitch (et collègues) qui constate que nous avons une capacité à retenir 7 chunks plus ou moins 2. Ce «nombre magique» est directement inspiré des travaux de Georges A. Miller qui a pourtant écrit dans son autobiographie que c’était une blague. Mais bon, dans les livres de psycho, on cite toujours ce nombre magique.
– Un modèle américain de Cowan (et collègues) qui constate que nous avons une capacité à retenir 4 chunks.
En réalité, il existe bien d’autres modèles, moins populaires mais pas moins intéressants. Dans un modèle que j’ai étudié extensivement et qui a été développé à peu près en même temps par un Américain et un Français, on aurait à notre disposition la capacité à traiter 1 chunk, mais avec une réserve de 4 chunks environ.
Peu importe. La mémoire de travail et la mémoire à court terme sont absolument fondamentales pour les apprentissages. Mais en psychologie cognitive, on appelle cela un « construit ». Cela signifie qu’elles n’existent pas vraiment, mais qu’on les a « inventées » pour pouvoir les étudier. L’ensemble des subtests qui permettent de « mesurer » la mémoire de travail et la mémoire à court terme a été développé en laboratoire avec une approche réductionniste qui ne reflète pas, selon moi, le fonctionnement de ces mémoires en situation réelle. J’en veux pour preuve que lorsque des sujets sont entraînés pendant deux ans à développer leur mémoire à court terme phonologique, ils peuvent certes mémoriser des listes aléatoires de près d’une centaine de mots ou de pseudo-mots, tâche impossible pour un sujet non entraîné, mais sans que cette capacité apporte une compétence particulière dans la compréhension de phrases longues, d’un extrait de roman, etc. Autrement dit, il n’y a pas de transfert. Et pour cause, non seulement tout s’apprend, mais aussi c’est l’entraînement qui conduit à l’expertise, ce, dans toutes les tâches. La mémoire à court terme et la mémoire de travail étant intimement liées aux mémoires à long terme, il m’apparaît difficile de mesurer objectivement la performance des premières avec des tests standardisés, en faisant abstraction du stock de connaissances dans les mémoires à long terme. Il faudrait développer un test spécifique pour chaque personne. C’est une faiblesse de la psychométrie.
3. La mémorisation : approfondissement
La mémorisation est un processus de traitement de l’information en vue de la stocker pour une utilisation future. Cette information (une suite de bits) est perçue par les organes sensoriels qui décodent les signaux, progresse par la moelle épinière, passe par l’amygdale puis les lobes frontaux. La mémorisation se divise en 3 étapes séquentielles: l’encodage, le stockage et la récupération (ou rappel).
La première mémoire est une mémoire sensorielle, qui dure de quelques millisecondes à une seconde.
3.1. L’encodage
La qualité de l’encodage est favorisée par des organes de perception fonctionnels. Il faut par conséquent vérifier régulièrement la vue et l’ouïe, les plus sollicités dans les apprentissages scolaires. La vue et l’ouïe ne décodent pas seulement des signaux (des bits), elles participent à la construction du sens. Ainsi, s’il est possible de recouvrir la vue sous certaines conditions après un accident ou une maladie ou bien de recouvrir l’ouïe par un appareillage qui emploie les réseaux neuraux liés à la langue, une personne aveugle de naissance ne verra que des formes qu’elle sera incapable d’interpréter. Voir et comprendre ce que l’on voit sont deux choses différentes. Tous les organes de perception participent à la mémorisation, aucun n’est à négliger.
La qualité de l’encodage est également liée à l’attention. Par conséquent, l’environnement d’encodage doit comporter le minimum de stimuli parasites. Un stimulus parasite que l’on nomme « bruit » (et qui n’est pas exclusif au son) est ce qui va empêcher d’encoder correctement. Ces stimuli parasites (ces «bruits») sont nombreux et variés, en voici quelques exemples : bruit (au sens courant), lumière trop ou pas assez forte, pièce trop chaude ou trop froide, odeurs désagréables, mouvements inutiles dans le périmètre visuel, support d’apprentissage trop chargé, phase de digestion, souffrance physique ou psychologique, mauvais stress, fatigue…
Les troubles de l’attention sont des troubles de l’inhibition, l’apprenant n’est alors pas capable d’éliminer (inhiber) les stimuli parasites. Les capacités attentionnelles progressent jusqu’à environ 12-15 ans, puis régressent très doucement vers 25-30 ans, mais on s’en rend vraiment compte vers 45 ans. Les différences individuelles sont cependant très importantes, l’âge biologique n’est pas objectif. Il existe des exercices pour stimuler l’inhibition, et leur bénéfice semble être transférable à tous les types d’apprentissage. L’excès de télévision et autres activités où l’on est passif devant un écran (plus de 4h par semaine pour un enfant de 6 ans, une dizaine d’heures pour un adulte) semblent nuire à la concentration, donc à la qualité d’encodage. En revanche, les jeux vidéos, où l’on doit être concentré pour prendre une décision stimulent intrinsèquement les facultés attentionnelles, les compétences spatiales, la rapidité dans la prise de décision, la rotation mentale (faire tourner un objet dans sa tête). Les jeux vidéos qui ont été extensivement testés en laboratoire de psychologie cognitive expérimentale sont les FPS (First Person Shooter) du type « counter strike ». Je pense que les RTS (Real Time Strategy) du type Starcraft II partagent ces effets, mais ce n’est qu’une supposition basée sur le fait que les mécanismes sont assez proches. En revanche, il est possible que l’excès de jeux vidéos ait une influence négative sur les compétences linguistiques, essentielles dans les apprentissages. J’ai fait le test avec des apprenants : un groupe qui n’a pas joué aux jeux vidéos avant d’étudier et un goupe qui a joué aux jeux vidéos avant d’étudier. Les deux groupes ont eu le même test (des questions de compréhension de texte, d’autres qui nécessitaient de trouver le bon mot en rappel libre, puis indicé) ; le groupe de contrôle a mieux performé. Cette expérience n’a été réalisée que sur 8 apprenants, elle n’est donc pas scientifiquement valide, je livre juste une piste. De même, il ne faut pas oublier que le système visuel n’est mature que vers 11 ans, il est alors possible que l’exposition trop fréquente et trop prolongée à tout type d’image en 2 dimensions (même les jeux vidéos en 3D ne sont pas de la vraie 3D) soit néfaste ; c’est la thèse de Ramashandran.
Des enseignants (ou des apprenants) qui crient ou humilient peuvent envoyer un signal qui sera perçu comme une menace par l’amygdale. En réponse à cette menace, le cerveau ne sera pas capable de mémoriser correctement. Cette réaction n’est pas automatique, contrairement à ce qui est suggéré par de nombreux livres de pédagogie ou de psychologie. En effet, il existe de grandes différences individuelles : ce qui est perçu par l’un comme une menace ne l’est pas forcément par l’autre. Et au contraire, une menace peut même stimuler l’encodage en créant un bon stress. C’est moins la menace que son interprétation, purement individuelle, qui va conduire à un encodage neutre, négatif ou positif.
La compétition et surtout l’urgence constituent des facteurs importants dans la stimulation de l’attention, et favorisent un encodage optimal. La compétition et la récompense doivent être sociales (groupe contre groupe), non individuelles. C’est à quel groupe résoudra le premier le problème, trouvera le premier la bonne réponse, etc. L’urgence est bien plus importante que la compétition dans la qualité de l’encodage, l’apprentissage en général. Chaque moment doit être présenté comme une opportunité unique, c’est-à-dire qui ne se reproduira pas. L’être humain étant l’un des animaux les plus opportunistes (au sens biologique, c’est-à-dire qui s’adapte à son environnement), il va déployer des facultés d’adaptation qu’il ne déploierait pas s’il était déjà adapté à son milieu. L’urgence, l’unicité vont donc développer ses fonctions cognitives en vue de s’adapter, de contrôler son environnement, en grande partie grâce à la production d’un cocktail de neurotransmetteurs. Je dois avoir mémorisé mes formules en 5 minutes, vous devez avoir fini votre dissertation en 2h. Maintenir l’urgence conduit à la compétition intrapersonnelle, et il faut progressivement diminuer le temps accordé à une tâche. J’évalue le volume d’informations nouvelles dans un cours, je mesure le temps passé pour les mémoriser, et pour le prochain cours, pour un volume égal, je diminuerai le temps. La compétition, l’urgence, l’unicité impliquent d’encoder de différentes façons. J’utilise des images et du texte (pas en même temps mais successivement), je change de pièce, de station (debout/assis), je suis immobile puis je marche, etc. Bien entendu, certains des conseils précédents (comme marcher) ne s’appliquent que si on est seul, autrement cela peut provoquer un stimulus parasite pour autrui. L’urgence et l’unicité qui améliorent l’encodage expliquent pourquoi, à temps d’apprentissage égal, l’apprentissage en société (présentiel ou distanciel avec un enseignant ou camarade) est plus efficace que l’apprentissage avec des vidéos. S’il existe des profils VAK (Visuel-Auditif-Kinesthésique), qui indiquent une préférence pour une modalité d’encodage à l’instant T, cela ne doit pas conditionner l’apprentissage, puisque non seulement il faut de la variété, mais aussi parce que cela pourrait renforcer les modalités non préférentielles. Compétition, urgence, unicité, non respect du profil VAK, apprentissage social, vont certes avoir un impact sur l’encodage, mais le degré d’impact sera purement individuel puisque là encore, il résultera d’une interprétation personnelle de l’apprenant. Par exemple, tout le monde n’aime pas la compétition, ni être en société. Mais globalement, cela fonctionne. Naturellement, tout ce qui est présenté ci-dessus résulte de travaux en psychologie, pédagogie et neurosciences (le triptyque qui constitue la neuropédagogie), mais doit être adapté par l’enseignant puisque c’est toujours le contexte qui guide les outils et pratiques. Il n’existe aucune solution universelle qui fonctionne à coup sûr, sauf le travail.
Lors de la phase d’encodage, l’attention portée au contexte, c’est-a-dire aux éléments de l’environnement, vont constituer des points d’ancrage, qui seront lors de la phase de récupération autant d’indices de rappel. Il semble que l’encodage et la récupération soient dépendants du contexte.
Trois effets sont à connaître lors de la phase d’encodage :
– l’effet de récence : on se souvient mieux des mots de la fin d’une liste
– l’effet de primauté : on se souvient mieux des mots du début d’une liste
– l’effet de singularité: on se souvient mieux de ce qui se distingue des autres éléments d’une liste
Pour stocker les informations durablement dans les mémoires à long terme, les meilleures stratégies pour encoder et consolider (par répétition) sont :
– de chercher le sens de ce qu’on veut apprendre. Ce sens doit être obtenu par l’emploi d’un vocabulaire varié afin que plusieurs réseaux neuronaux sémantiques se construisent. Plus on emploie de mots pour qualifier ce que l’on apprend, plus on en percevra le sens, plus facilement on le récupérera (s’en souviendra). La quête de sens se produit aussi par l’opération qui consiste à comparer.
– d’employer des images mentales (les moyens mnémotechniques sont très efficaces et passent par des images mentales)
– d’organiser les informations : classer, hiérarchiser, catégoriser, créer des chunks…
– dans une moindre mesure, de créer des relations phonémiques. Exemple : qui vole un œuf, vole un bœuf.
Plus d’informations sur les images mentales ici :
Plus d’informations sur les moyens mnémotechniques ici :
C’est la mémoire à court terme et la mémoire de travail qui sont grandement sollicitées pendant la phase d’encodage. Les informations encodées ont besoin d’être répétées dans la minute qui suit, au risque d’être perdues. Certains chercheurs confondent la mémoire à court terme et la mémoire de travail. D’autres les distinguent. Objectivement, il y a lieu de les distinguer. Quoi qu’il en soit, ces mémoires sont intimement liées aux mémoires à long terme, si bien qu’on peut parler de mémoires de travail à long terme. Notons qu’il n’existe pas que deux modèles de mémoire à court terme / mémoire de travail. Enfin, ces mémoires sont fortement sollicitées lorsqu’il faut aller récupérer les informations dans les mémoires à long terme.
Pour plus de renseignements, voir mes articles :
3.2. Le stockage
Le troisième type de mémoire est la mémoire à long terme, qui est elle-même subdivisée.
Ce type de mémoire a une capacité virtuellement illimitée, au sens de : nous ne vivrons jamais assez longtemps pour rencontrer ses limites. Mais les limites existent. Les mémoires à long terme stockent les informations en vue de les utiliser dans le futur, si elles ont correctement été encodées. Ces informations ne sont pas stockées indéfiniment : elles tendent à s’effacer si on ne les utilise pas régulièrement.
La mémoire à long terme peut être déclarative ou explicite.
C’est le cas de la mémoire épisodique (une mémoire déclarative) qui stocke les informations relatives à nos expériences personnelles dans un contexte spatial et temporel précis. Cette mémoire est usuellement très forte, mais largement sous-utilisée dans les apprentissages scolaires (universitaires, professionnelles, etc.). L’une des manières de l’employer est d’incarner son apprentissage. Incarner son apprentissage signifie le personnaliser au maximum. Si j’apprends la vie de Louis XIV, je suis Louis XIV. Si j’apprends le théorème de Pythagore, je suis le triangle. On mémorise plus facilement ce que l’on rapporte à soi. Voici une historiette très courante en psychologie cognitive:
Un couple prend l’avion. Le mari, en parlant de l’hôtesse de l’air, dit à son épouse :
– Tu as vu comme Tracy est très gentille avec les passagers ?
– Tracy ? Tu la connais, interroge l’épouse ?
– Non, dit le mari, mais c’est écrit sur son badge.
– Et comment s’appelle le Steward ? Demande l’épouse.
Si on a un intérêt pour ce que l’on apprend, si on incarne son apprentissage, on apprendra/mémorisera mieux. Tracy est vraiment très belle, elle m’intéresse fortement.
La seconde catégorie de mémoire déclarative (explicite) est la mémoire sémantique. C’est la mémoire qui conserve les informations relatives aux connaissances factuelles sur le monde, le langage, les définitions, etc. C’est la mémoire la plus employée dans les apprentissages scolaires. On peut améliorer le stockage des informations en apprenant beaucoup, en effectuant des relations entre disciplines, en ayant une grande culture générale, un lexique varié, en parlant plusieurs langues.
A côté des mémoires déclaratives (explicites) que sont la mémoire épisodique et la mémoire sémantique, il existe des mémoires implicites (non déclaratives).
La mémoire procédurale est une mémoire à long terme implicite qui conserve les informations relatives aux gestes, aux mouvements. Fortement liée au cervelet, elle est très solide. Elle est sous-utilisée dans les apprentissages académiques. Dans ma pratique pédagogique, j’essaie de l’utiliser autant que possible à mesure que je retravaille les matières lors des stages de neuropédagogie à destination des apprenants, et les résultats en terme de mémorisation sont très bons. Un professeur de français m’a avoué avoir rencontré deux élèves au cours de sa carrière qui, en examen, agitaient les doigts selon une séquence. Ils lui avaient dit se souvenir de leurs cours de cette façon.
La mémoire à long terme implicite, qui stocke les automatismes, est enfin sollicitée lors des apprentissages par conditionnement.
3.3. La récupération
Je remplirai cette partie par des conseils pratiques et simples.
4. Pour terminer
En ce qui concerne la mémoire et les processus de mémorisation, j’ai exposé les théories les plus populaires. Mais il en existe d’autres qui sont fort intéressantes. En voici deux :
– la théorie holographique de Karl Pribram qui, pour résumer grossièrement, constate que la mémoire est un hologramme dont chaque partie contient le tout
– le modèle « multicouches » de la mémoire de travail de Jacques Ninio, qui offre une vision nouvelle de cette mémoire.
La mémoire et le processus de mémorisation recèlent encore de nombreux mystères. Selon un communiqué du CNRS, « pour la première fois, des chercheurs viennent de démontrer qu’un organisme dépourvu de système nerveux est capable d’apprentissage. Une équipe du Centre de recherches sur la cognition animale (CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier) a réussi à démontrer qu’un organisme unicellulaire, le protiste Physarum polycephalum, est capable d’une forme d’apprentissage nommée habituation. Cette découverte permet d’éclairer l’origine de la capacité d’apprentissage durant l’évolution, avant même l’apparition du système nerveux et du cerveau. Elle pourrait également amener à s’interroger sur la capacité d’apprentissage d’autres organismes extrêmement simples comme les virus et les bactéries. »
Les mémoires fonctionnent de manière systémique, elles sont toutes reliées. Par conséquent, pour apprendre comme pour enseigner, il faut en avoir une approche globale tout en connaissant le fonctionnement des parties.
Je suis très loin d’avoir abordé la mémoire de manière exhaustive, il y a tant à dire. Je développerai sûrement un jour.
Des programmes et méthodes de formation et d’apprentissage holistiques qui prendraient en compte les connaissances approfondies sur les mémoires, la motivation (etc.) amélioreraient la performance dans les apprentissages. C’est tout l’enjeu de la neuropédagogie, et cela s’applique aux apprentissages scolaires, universitaires, professionnelles et techniques, ainsi qu’au sport. J’ai par exemple entraîné un lycéen footballeur amateur d’un très bon niveau à la maîtrise de gestes techniques (que je ne maîtrisais pas moi-même) en passant par l’inhibition et la mémoire sémantique (qui a à priori peu à voir avec le sport) pour créer des chunks, avec de très bons résultats. Cela pour dire qu’il ne faut pas hésiter à relier des domaines apparemment éloignés.
Encore une fois, ce qui est présenté dans cet article (et dans les autres), ce sont des informations qui suivent ma problématique, et qui doivent être personnalisées et adaptées aux différents contextes d’apprentissage. C’est le contexte qui commande les ressources, non l’inverse. Si en suivant à la lettre les conseils qui découlent implicitement ou explicitement de cet article, je suis convaincu que n’importe quel apprenant s’améliorera, que n’importe quel enseignant/formateur trouvera matière à réflexion, cela ne peut en aucun cas remplacer la formation proposée par Coursera ni toute autre formation – dont les miennes bien entendu -, parce que la diversité des contextes permet de transformer une information en connaissance, de la consolider, et de développer la créativité.
Après avoir passé de nombreuses années à étudier les processus cognitifs en puisant dans différentes disciplines, j’ai commencé à développer pas mal d’outils pratiques pour aider à concevoir, organiser et piloter ses formations ainsi qu’à mieux apprendre (comprendre, réfléchir, mémoriser, etc.). Je les exposerai peut-être sur le présent site.
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