Le sens de la conjugaison

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Quel est le sens de la conjugaison ? Quels sont les éléments basiques de la conjugaison qu’il convient de connaître pour appréhender les subtilités d’un texte littéraire ou s’exprimer convenablement ?

Même si l’on doit apprendre ses tables de conjugaison par réitération verbale (l’apprentissage « par cœur »), celles-ci pourront être plus facilement mémorisées si elles font sens. A-t-on envie d’apprendre un sujet qui ne fait pas sens, simplement parce qu’on nous l’ordonne ? Peut-on enseigner correctement un sujet en demandant à l’apprenant de répéter après soi ? La réponse est bien entendu négative.

 

 

Mais qu’est-ce que le sens, et comment faire sens ?

Un sujet isolé n’a aucun sens. Mon texte n’a de sens que parce que vous le lisez et la couleur bleue n’a de sens que parce qu’il existe d’autres couleurs. Autrement dit, le sens d’un sujet se définit dans les relations qu’il entretient avec les autres sujets. Et parce qu’un sujet entretient des relations avec d’autres sujets, il est utile, comme une pièce de puzzle est utile à toutes les autres.

Pour enseigner par le sens, il faut connaître l’environnement de l’apprenant et partir de ce qu’il sait déjà pour acquérir la connaissance d’un nouveau sujet. Pour apprendre par le sens, il faut définir explicitement ce que l’on sait déjà, ou croit savoir. Pour apprendre et enseigner par le sens, il faut aller du général au particulier : se faire une idée générale du sujet, puis approfondir ses différentes parties, en accentuant les relations entre elles.

La conjugaison est associée au verbe, qui indique un état ou une action. La conjugaison offre à l’émetteur (la personne qui émet/énonce le message) la possibilité de préciser ce qu’il exprime, le message.

Ainsi l’émetteur (ou énonciateur) peut-il :

Préciser son attitude face à ce qu’il exprime.

Est-il certain de ce qu’il énonce ou émet-il une hypothèse ? Exprime-t-il un ordre ou un conseil ? C’est pour permettre tout cela que les verbes varient en modes. Si dans le langage grammatical, le mode indique l’attitude de l’énonciateur face à ce qu’il exprime, on retrouve aussi cet aspect dans le langage courant puisque ne dit-on pas parler sur le mode de la plaisanterie, sur le mode de la confidence ? Le monde de l’Internet n’est pas en reste puisqu’on écrit [Mode ironie on] tu es aimable comme une porte de prison [Mode ironie off] pour indiquer au destinataire qu’on plaisantait. Les smileys jouent également ce rôle, indiquant la position du locuteur (la personne qui s’exprime) par rapport à ce qu’il énonce.

 

Il existe 4 modes personnels (indicatifconditionnelimpératif et subjonctif), et 3 modes impersonnels (infinitifparticipegérondif).

 

 

Situer chronologiquement ce qu’il exprime, dans le présent, le passé ou le futur.

On pourrait se contenter de l’infinitif, l’un des 7 modes, pour exprimer une action dans le passé (hier, je prendre le train pour Tours), dans le présent (je ne peux pas te parler, je être dans le train pour Tours), et dans le futur (demain, je prendre le train pour Tours). Cependant, le passé est vaste (et le futur aussi j’espère), alors comment classer chronologiquement les actions les unes par rapport aux autres ? Les petits malins pourraient dire : hier à 10h25, je prendre le train pour Tours, et à 14h, je boire un verre sur la place Plumereau. Il n’est pas certain que l’on puisse être aussi précis sur la chronologie des événements. Alors, pour pouvoir situer les actions, états et événements dans le temps, mais aussi pour préciser les relations entre eux – simultanéité, antériorité, postériorité -, on a eu la bonne idée de créer les temps verbaux. Les temps verbaux servent donc à introduire de la nuance et de la précision. Notons que seules les formes de l’indicatif (un mode personnel) peuvent exprimer la temporalité.

 

Dans chacun des 7 modes, les temps se divisent en formes simples et formes composées. A chaque forme simple est associée une forme composée qui énonce une opposition entre le présent et le passé : je chante / j’ai chanté ; que je chante / que j’aie chanté ; chante / aie chanté ; chantant / ayant chanté ; j’ai chanté / j’ai eu chanté.

 

 

Préciser qui parle, à qui / à quoi et de qui / de quoi.

C’est pour offrir la possibilité d’être aussi précis qu’il existe des personnes dans les modes personnels (indicatifconditionnelimpératifsubjonctif). On compte pour chaque nombre (singulier et pluriel) trois personnes.- La 1ère personne (je, nous) sert à déterminer qui énonce : Je parle (singulier), nous écrivons (pluriel). Notons que la 1ère personne du singulier s’écrit je devant un mot qui commence par une consonne et j’ devant un mot qui commence par une voyelle ou par un h (j’arrive, j’habite mais je viens, je vis).- La 2è personne (tu, vous) sert à déterminer la personne à qui l’on s’adresse : Tu parles si bien de Tours (singulier), Vous parlez si bien de Tours (pluriel)- La 3è personne (il, elle, on, ils, elles) sert à déterminer de qui l’on parle : Il dort (singulier), elle se repose (singulier), on fait la sieste (singulier), ils chantent (pluriel), elles jouent (pluriel)

 

 

Indiquer si l’émetteur fait l’action ou la subit.

C’est pour introduire davantage de nuance dans l’expression d’un fait, qu’il existe différentes voix : activepassivepronominale. A la voix active (je lave la voiture), le sujet grammatical (je) fait l’action (lave la voiture). A la voix passive (la voiture est lavée par moi), le sujet grammatical (la voiture) subit l’action (est lavée). A la voix pronominale(je me lave), le sujet grammatical (je) fait et subit (me) l’action (lave) en même temps.

 

Illustration 1 : quel est le sens de la conjugaison ?

 

Note pour les élèves : l’illustration 1 est un schéma heuristique, appelé carte mentale ou encore Mind Map©, parmi une pléthore de noms. Lorsqu’on apprend, l’une des règles essentielles est de réaliser le travail soi-même. Par conséquent, apprenez cette carte. Lorsque vous la savez, passez 50% de temps en plus (c’est le surapprentissage) à l’apprendre. Puis, deux jours plus tard, dessinez-là de tête. Cinq jours après avoir une première fois dessiné le schéma de tête, redessinez-le. Une semaine plus tard, recommencez. Faites cela avec tous les schémas.

 

 

Pour aller plus loin

Vous trouverez ci-dessous quelques notions indispensables à la bonne maîtrise de la conjugaison.

Procès : c’est l’état, l’action ou l’évènement soumis à une durée interne.
Le procès peut être situé dans une chronologie passé – présent – futur. Tout verbe évoque un procès. Un verbe exprime donc soit une action (je cours vite), soit un état (je suis fatigué), soit un évènement qui ne peut être une action faute d’actant (il pleut). En effet, dans la phrase il pleut, rien ni personne ne fait l’action.

 

Thème : ce dont on parle.
Dans la phrase Le chat mange la souris, le thème est le groupe nominal le chatLe chat est un groupe nominal qui réunit deux mots : un déterminant (le) et un nom commun (chat) qui est le mot principal du groupe.

 

Prédicat : information que l’on apporte sur le thème.
Dans la phrase Le chat mange la souris, le prédicat est le groupe verbal mange la souris.

 

Aspect :
Si on emploie un temps verbal pour inscrire un procès par rapport au moment de l’énonciation, l’aspect du verbe envisage le procès sous l’angle de son déroulement interne. Nous n’étudierons ici que l’aspect accompli / non accompli et l’aspect global / sécant.

 

Aspect accompli / aspect non accompli : le début, le déroulement et la fin du procès (l’état, l’action ou l’événement) exprimés par le verbe sont connus.
L’aspect accompli est attaché aux formes composées, celles qui nécessitent un auxiliaire. Dans les phrases J’ai compris le sens de l’histoire, j’avais compris le sens de l’histoire, j’aurai compris le sens de l’histoire, j’eus compris le sens de l’histoire, le procès n’est plus en cours d’accomplissement, il est parfaitement borné et annonce une situation nouvelle qui résulte du procès accompli (avoir compris le sens de l’histoire indique bien que le processus de compréhension – son déroulement – est révolu et me permet d’envisager une situation qui découle de ce fait). Dans la phrase Quand Mathis aura appris sa leçon de français, il pourra mieux s’exprimer, le fait d’apprendre la leçon de français est ultérieur au moment de l’énonciation, il ne s’est pas encore produit (sur l’axe temporel, il se situe dans le futur), voilà pourquoi on emploie le futur antérieur de l’indicatif (aura appris). Avoir appris sa leçon de français traduit bien un aspect accompli du point de vue de son déroulement – l’action est envisagée comme terminée – même si, au moment de l’énonciation, on la place dans le futur pour indiquer qu’elle ne s’est pas encore présentée.
L’aspect non accompli est quant à lui relatif aux formes verbales simples, celles qui ne nécessitent pas d’auxiliaire. Cet aspect indique que l’état, l’action ou l’événement continue d’être vrai au moment où il/elle se situe (à ne pas confondre avec le moment de l’énonciation, c’est-à-dire celui où l’on s’exprime). C’est le cas dans les phrases Je comprends le sens de l’histoire, je comprenais le sens de l’histoire, je comprendrai le sens de l’histoire, je compris le sens de l’histoire. Dans le fait de comprendre le sens de l’histoire, ce qui est important réside moins dans les bornes (début et fin) de la compréhension que dans le déroulement (le processus) de celle-ci. Dans la phrase Quand Mathis aura appris sa leçon de français, il pourra mieux s’exprimer, le fait de mieux s’exprimer s’inscrit bien dans le futur (axe temporel) par rapport au moment de l’énonciation. On emploie le futur simple de l’indicatif (pourra) à la fois pour indiquer que le fait de mieux s’exprimer est postérieur au fait d’apprendre sa leçon de français (qui est donc exprimé au futur antérieur de l’indicatif), mais aussi pour signaler que du point de vue de son déroulement interne, l’amélioration de l’expression continue d’être vraie, d’où l’aspect non accompli.

 

Aspect global /aspect sécant :
On parle d’aspect global lorsque le procès (action, état, événement) n’est pas divisible, on ne peut pas le découper en plusieurs étapes, il s’apprécie globalement, dans son ensemble. Dans les phrases Je pris l’avion de 10h30 / je prendrai l’avion de 10h30, le fait de prendre l’avion est perçu d’un point de vue borné, c’est-à-dire dont on connaît les limites (début et fin).
Au contraire, l’aspect sécant ne laisse pas apparaître les limites du procès dont on ne connaît ni le début ni la fin. C’est ce que nous indique par exemple la phrase Je prenais l’avion de 10h30. En effet, cette phrase peut laisser supposer que prendre l’avion de 10h30 est itératif, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une action qui se reproduit habituellement (tous les jours, une fois par semaine…) dont on ne connaît pas le terme. Mais, si en replaçant cette phrase dans son contexte, on apprend que le fait de prendre l’avion de 10h30 constituait un événement unique, l’aspect sécant représenté par l’imparfait de l’indicatif se justifie dans le sens où cet événement a eu des conséquences qu’on ignore encore au moment où le message est émis ou reçu. D’autre part, on peut facilement remplacer Je prenais l’avion de 10h30 par J’étais en train de prendre l’avion de 10h30. En revanche, on ne peut pas remplacer Je pris l’avion de 10h30 par Je fus en train de prendre l’avion de 10h30 parce que le passé simple n’insiste pas sur le déroulement de l’action, contrairement à l’imparfait.
Le passé simple comme le futur simple sont réservés à l’aspect global, et l’imparfait à l’aspect sécant.

 

Valeur :
Le langage est un outil de conceptualisation et un vecteur d’informations, mais aussi un terrain de jeu comme le représente la littérature qui joue constamment sur les écarts entre le fond (l’information transmise) et la forme (la mise en scène de l’information). Chaque mode, chaque temps dispose d’une valeur de base qui représente le contexte ordinaire d’emploi de ce temps, de ce mode. Ainsi l’indicatif est-il d’ordinaire le mode du réel (de ce qui s’est produit, se produit ou se produira) et le présent de l’indicatif est-il d’ordinaire le temps qui sert à énoncer un procès contemporain de la situation d’énonciation. Mais la richesse du langage permet des écarts avec l’emploi ordinaire d’un mode ou d’un temps, qui prennent alors d’autres valeurs et représentent un écart avec la valeur de base. Ainsi le plus que parfait de l’indicatif peut-il tout aussi bien relater un procès qui s’est déroulé dans le passé (J’avais vécu à New York dans les années 2000), que l’expression de l’hypothèse passée (Si j’avais vécu à New York dans les années 2000, j’aurais assisté à tous les matchs des New York Giants). Aux côtés de leur valeur de base, les temps et les modes peuvent donc prendre une valeur stylistique ou une valeur modale pour désigner différents emplois dans différents contextes. Quand on demande à l’élève de définir la valeur d’un temps, on lui demande tout simplement de dire quelle est sa fonction, c’est-à-dire à quoi sert ledit temps.

 

Auxiliaires et semi-auxiliaires :
Employés seuls, être et avoir sont considérés comme des verbes. Mais lorsqu’ils aident à conjuguer d’autres verbes (au passif, ou dans les formes composées), ils sont appelés auxiliaires. Dans la phrase Je suis contentsuis est une variation du verbe être. Dans la phrase Je suis partisuis est un auxiliaire qui aide à conjuguer le verbe partir. Employés avec un autre verbe à l’infinitif ou au gérondif, les verbes aller, finir, devoir ou faire sont considérés comme des semi-auxiliaires. Exemple : Elle finira d’apprendre seule sa leçon.

 

Note : Je rappelle que le présent document est protégé par la législation sur les droits d’auteur.

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