Développer et entretenir la motivation

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Dans le précédent cours, nous avons posé les bases théoriques de la motivation. Nous verrons aujourd’hui les bases pratiques pour stimuler la motivation d’autrui. Ce cours s’adresse essentiellement aux parents qui sont au cœur du processus de la motivation de leurs enfants, mais les enseignants pourront aussi en retirer un certain bénéfice.

Prérequis : Théories générales sur la motivation

Les parents jouent en effet un rôle capital et irremplaçable dans le développement de la motivation de leurs enfants. Telle est la conclusion de la Fullerton Longitudinal Study (FLS), une étude commencée il y a 30 ans et qui se poursuit aujourd’hui encore. Pour les besoins de ces recherches, des enfants ont donc été suivis dès l’âge d’1 an. Un instrument de mesure de la motivation académique (motivation déployée dans la poursuite des études) a été élaboré : la CAIMI (Children’s Academic Intrinsic Motivation Inventory).

La Fullerton Longitudinal Study a démontré que les élèves ayant un fort taux de CAIMI étaient non seulement moins angoissés par les études, mais réussissaient aussi beaucoup mieux que leurs camarades.

La motivation académique intrinsèque peut-être prosaïquement définie comme le plaisir d’apprendre. Elle se stimule dès le plus jeune âge.

Voici comment les parents comme les enseignants peuvent entretenir et développer la motivation des enfants et adolescents.

 

 

Laisser les enfants expérimenter

 

Il faut laisser les enfants les plus jeunes faire leurs propres expériences de l’environnement, même s’il en résulte quelques « bêtises ». Ces bêtises devraient être l’occasion pour les parents d’expliquer pourquoi elles sont en fait une erreur dans l’interprétation des variables.

Par exemple, un enfant rempli son verre d’eau. Certains parents vont dire « attention, le verre va déborder », d’autres fermeront le robinet avant que le verre ne déborde. La meilleure attitude est de laisser le verre déborder afin que l’enfant fasse sa propre expérience des lois de la physique, puis lui expliquer pourquoi le verre ne peut contenir plus d’eau, pourquoi l’eau s’écoule dans l’évier, etc.

D’une manière générale, punir un enfant pour des bêtises est contre-productif. Cela bride sa motivation intrinsèque, c’est le conditionner à ne pas faire l’expérience de son environnement.

L’achat de kit à expériences (chimie, électricité, astronomie, botanique etc.) que l’on vend dans le commerce est une excellente initiative à condition que les parents accompagnent leurs enfants dans l’expérimentation, sous réserve de retrouver les jeux dans leur état d’origine. On peut alors anticiper l’âge recommandé par les fabricants.

 

 

Proposer des activités nouvelles

 

Un environnement riche en découvertes aura pour effet de conduire les enfants à intégrer dans leur personnalité le goût pour l’exploration. Il en résultera une augmentation de la motivation intrinsèque, surtout si les parents assurent discrètement les conditions de la réussite.

La nouveauté et la variété des activités peuvent se décliner de bien des façons :

  • des jeux ;
  • de nouvelles personnes à découvrir ;
  • fréquenter plusieurs amis ;
  • visiter différents lieux ;
  • pratiquer plusieurs sports et activités artistiques.

 

 

Proposer des stimuli surprenants

 

Il est bon, de temps en temps, de confronter les enfants à des expériences extraordinaires. Ce peut être des visites de certains musées, la narration d’histoires étonnantes et vraies, la rencontre de personnes originales, etc.

 

 

Susciter la curiosité

 

A la différence de proposer des activités nouvelles, susciter la curiosité requiert des parents qu’ils laissent aux enfants l’initiative de l’action, mais en prenant soin de les guider discrètement par des indices qui vont les intriguer. Cela revient en quelque sorte à laisser un paquet cadeau au milieu de la pièce en attendant que l’enfant se dirige vers lui et l’ouvre.

Susciter la curiosité stimule la motivation intrinsèque parce que cela donne à l’enfant l’envie d’agir, d’explorer et de découvrir la nouveauté.

 

 

Laisser aux enfants la maîtrise de leur orientation scolaire

 

Il s’agit là d’un point crucial mis en exergue par la FLS. Les enfants et adolescents qui maîtrisent leur orientation sont beaucoup plus motivés que les autres, y compris lorsqu’ils atteignent l’âge adulte.

Ceci dit, laisser la maîtrise de l’orientation scolaire ne signifie pas que les parents ne doivent pas s’impliquer, non seulement parce que le cortex préfrontal (qui permet de planifier) des enfants est loin d’avoir fini de se développer, mais encore parce qu’ils ont de nombreux préjugés (et les parents également !) sur les filières, les options et les débouchés.

En matière d’orientation scolaire, la meilleure attitude consiste donc :

  • A consulter les enseignants de l’enfant pour recueillir un avis sur la viabilité du projet tout en gardant à l’esprit qu’un retard peut se rattraper ;
  • A consulter un COPS (Conseiller d’Orientation Psychologue Scolaire) pour se faire expliquer les filières ;
  • A faire un bilan auprès d’un psychologue privé, mais pas avant que l’adolescent ne soit en seconde. Ce bilan peut être un bilan de compétence, de personnalité, etc. ;
  • Contacter des professionnels qui exercent la profession choisie par l’adolescent. C’est essentiel parce qu’ils sont au contact des réalités du terrain lorsque l’approche des COPS est souvent théorique et en retard sur le marché du travail et ses pratiques. Cela s’explique par le fait que le marché du travail est réactif quand les documents mis à disposition des COPS sont souvent obsolètes ; il faut parfois plusieurs années pour les composer et diffuser ;
  • Mettre l’enfant au contact de la profession lors de stages ;
  • S’assurer qu’il n’y a pas d’incompatibilité, par exemple entre un adolescent qui souhaite devenir chirurgien mais s’aperçoit tardivement qu’il ne supporte pas la vue du sang.

Une fois que cela est fait, parents et enfants peuvent discuter des possibilités, et si les premiers proposent plusieurs options, le choix doit être du côté des seconds.

 

 

La persévérance

 

La persévérance est aussi une qualité qui s’enseigne. Ne pas abandonner devant la difficulté de la tâche participe grandement à la réussite, et on peut dire avec une célèbre publicité que « 100% des gagnants ont tenté leur chance » !

Etre persévérant, c’est finir ce qu’on a entrepris. Cela ne s’applique pas qu’aux travaux scolaires. Par exemple, finir son assiette, terminer une partie de monopoly, etc.

Si les parents sont eux-mêmes persévérants, les enfants ont de grandes chances d’adopter ce trait de personnalité par le biais de l’imitation, sans même avoir besoin d’employer des mots. Dans le cas contraire, il faudra recourir à l’ordre verbal.

A noter que la persévérance est associée à la volonté, or d’après plusieurs études médicales, cette dernière est liée à la qualité de la digestion. Les gens qui digéreraient bien auraient davantage de volonté que les autres. C’est une piste à explorer.

 

 

La complexité

 

Le cerveau humain aime les défis à l’entendement ; il est fondamentalement fait pour mettre en relation plusieurs variables afin de résoudre des problèmes. Et lorsque la solution à un problème complexe est trouvée, cela déclenche souvent un orgasme intellectuel pour plagier Bruno della Chiesa (1), le fameux « Eurêka j’ai trouvé ! » qui donne envie de connaître encore cet état particulier de bien-être. N’oublions pas que l’on est motivé par ce qui nous fait du bien.

La complexité des activités, tâches et problèmes doit être adaptée aux facultés individuelles à les résoudre. Ils ne doivent donc être ni trop difficiles, ni trop faciles, toujours un peu au-dessus de ce qu’on vient de réussir. C’est également un point fondamental pour entretenir la motivation.

 

 

Les tâches endogènes

 

Trouver du plaisir dans la simple réalisation de tâches scolaires (c’est la définition des tâches endogènes) participe aussi à la motivation intrinsèque. Et comme le reste, cela s’enseigne et s’apprend.

Si les parents (ou les enseignants) disent à l’enfant ou adolescent « si tu n’as pas fait ça, tu auras des mots à copier, des exercices de maths supplémentaires… », le message envoyé est « apprendre est une punition ».

Or l’être humain est fondamentalement fait pour apprendre et en retirer du plaisir. Les parents s’extasient devant leur tout-petit qui fait ses premiers pas, qui lit ses premiers mots, qui écrit ses premiers verbes… puis plus rien ! Le silence assourdissant d’une cathédrale déserte.

Les parents cessent souvent de s’extasier devant les progrès de leur enfant à l’entrée en CP, comme si « les affaires sérieuses » commençaient. Au contraire, il faut continuer à célébrer l’apprentissage, les progrès réalisés jusqu’à l’université, en retirant son caractère solennel. Apprendre est un jeu, une joie.

Mais apprendre est souvent une activité solitaire, or la reconnaissance par autrui de ce qui a été accompli constitue un formidable moteur de persévérance et entretient la motivation intrinsèque, les tâches endogènes.

On ne punit donc jamais en donnant des exercices supplémentaires. D’ailleurs le terme « d’exercice », qui renvoie à la douleur, devrait être remplacé par « entraînement ». « Va t’entraîner en mathématiques » est quand même plus avenant que « va faire tes exercices de maths ».

Les neurones miroirs nous permettent d’apprendre par imitation, et nous percevons des signes chez autrui, en lisant sur son visage ou interprétant sa posture, le fameux langage infra-verbal. Bref, nous nous trahissons devant nos enfants, aussi convient-il de se surveiller lorsque nous abordons en leur présence les problématiques scolaires. « Va t’entraîner en mathématiques pour mieux comprendre le monde et devenir plus autonome » dit avec un regard pétillant et un large sourire est toujours plus motivant. Le message envoyé à l’enfant ou l’adolescent est : « apprendre est un plaisir ». A force de répétition, cela fonctionne et entretient la motivation intrinsèque.

En interrogeant plusieurs parents d’élèves qui suivaient une formation, nous avons constaté qu’en les voyant étudier, cela suscitait chez leurs enfants davantage de motivation.

 

 

Maîtriser son environnement

 

Quelle est l’activité qui peut mobiliser l’attention de millions de gens de tout âge plusieurs heures par jour pendant des mois voire des années; une activité non rémunérée, fortement structurée, contraignante et régulée, et dont pourtant on retire beaucoup de plaisir ? Le jeu vidéo bien sûr ; spécialement les jeux en ligne qui proposent un univers virtuel !

Pourquoi ? Pour l’intérêt intrinsèque de la règle du jeu, les relations sociales qui en découlent, l’incarnation de la puissance dont on est ordinairement dépourvu et la beauté graphique certes. Pas seulement.

La maîtrise de l’environnement ! Voilà la raison principale qui motive les joueurs à passer tant de temps sur ces jeux.

On est motivé à agir lorsque l’interaction avec son environnement est réussie, quand on peut prédire avec certitude ce qui va se passer, quand on prévoit les relations causales qui découlent de l’interprétation de plusieurs variables.

Pour entretenir et développer la motivation intrinsèque de leurs enfants, les parents ont tout intérêt à permettre à ces derniers de maîtriser leur environnement. Comment ?

  • Par l’emploi des jeux de société ;
  • En prédisant eux-mêmes des choses correctes et en les expliquant (comme expliquer pourquoi l’eau qui coule du robinet ne reste pas dans le verre lorsque ce dernier est plein)
  • En confrontant leurs enfants à des difficultés et en leur donnant les moyens de les résoudre, soit conditionner la maîtrise de l’environnement. Et si l’enfant échoue à prédire les relations causales, toujours lui expliquer le pourquoi du comment.

Le résultat, c’est-à-dire la maîtrise de l’environnement comme conséquence d’une prédiction causale est pour le cerveau la récompense. Si on donne une récompense à l’enfant ou l’adolescent parce qu’il a réussi une tâche, on tue la motivation intrinsèque puisqu’on l’incite à agir pour la récompense, pas pour la maîtrise de son environnement.

 

 

L’environnement de la maison

 

Les études fournies par la Fullerton Longitudinal Study (FLS) ont démontré que lorsque l’environnement familial offrait un challenge intellectuel aux enfants, ceux-ci développaient leur motivation intrinsèque. Donc, il faut des jeux, des discussions, des activités intellectuelles. C’est plus important que l’origine socio-économique des parents.

Les enfants prennent modèle sur leurs parents. Par exemple, les premiers deviendront plus volontiers des lecteurs réguliers si les seconds le sont déjà. D’autre part, en lisant des livres à ses enfants lorsqu’ils sont à la crèche ou en maternelle, on les prépare à devenir de meilleurs lecteurs, à comprendre intuitivement le schéma narratif (la trame de l’histoire) et le schéma actanciel (le rôle-type de chaque personnage). On peut aller régulièrement à la bibliothèque avec son enfant, offrir des livres en cadeau, etc.

D’autre part, l’environnement de la maison peut participer au développement de la motivation de son enfant en s’appuyant sur les éléments suivants :

  • Exposer son enfant à des expériences nouvelles, difficiles, compétitives ;
  • Disposer de jeux éducatifs et intellectuels (et jouer avec ses enfants si possible y compris lorsqu’ils sont au lycée) ;
  • Laisser ses enfants prendre des initiatives, des décisions, promouvoir l’autonomie tout en assurant une présence discrète non pas pour surveiller, mais pour être présent en cas de besoin ;
  • Ne pas comparer ses enfants à d’autres (« ton camarade a mieux réussi ce devoir que toi ») mais reconnaître leurs propres compétences ;
  • Etre confiant en l’avenir, croire que son enfant peut réussir ;
  • Ne pas féliciter ses enfants lorsqu’ils ont réussi une tâche facile ;
  • Ne jamais offrir de récompense marchande (argent, objet de valeur) lors de la réussite d’une tâche.

De même, il est tout à fait judicieux d’observer les centres d’intérêt de ses enfants et leur niveau d’engagement sans jamais les juger, tout en les ouvrant à plusieurs activités de complexité croissante.

Finalement, les parents (et dans une moindre mesure les enseignants) peuvent entretenir et développer la motivation intrinsèque de leurs enfants en proposant un univers riche en opportunités, en relations sociales, en activités diverses tout en promouvant l’autonomie, le choix, en expliquant les relations causales et en valorisant la maîtrise de son environnement.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

1. Ouvrages de base

Collectif : Concise Learning and Memory, chap.23 et 24
Collectif : Encyclopedia Of Educational Psychology
Collectif : Handbook of Psychology, vol. 07

 

2. Revues :

Journal of Educational Psychology
Journal of Research in Science Teaching
American Psychologist
British Journal of Educational Psychology
Research on motivation in education

 

SITE INTERNET

Le site de la Fullerton Longitudinal Study : http://calstate.fullerton.edu/news/Inside/2009/gottfried-longitudinal-study.html

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