L’imagination créatrice en Gestion Mentale

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Le geste d’imagination créatrice, impliqué dans la créativité, est le cinquième et dernier geste mental étudié par la Gestion Mentale. Il est indispensable, et mériterait un développement théorique plus conséquent en raison de son utilité pour la psychologie de la créativité dont le professeur Todd Lubart est en France l’un des plus éminents représentants.

Indispensable parce que la créativité est le moteur du développement économique, culturel et social. Indispensable parce que la créativité permet de trouver des solutions inédites à des problèmes inédits. Indispensable parce que le monde se transforme rapidement, la quantité de données à assimiler croît à vitesse géométrique et l’avenir paraît de moins en moins linéaire en raison des bouleversements écologiques, économiques, sociaux (etc.) dans un système d’échanges globalisés.

Sur le plan scolaire et universitaire, le geste d’imagination créatrice est celui qui va permettre de résoudre les problèmes liés au déficit d’imagination que l’on peut rencontrer dans les productions écrites en rédaction ou dissertation, mais aussi dans la réponse aux énoncés inédits. Combien d’élèves studieux n’ont-ils pas « séché » devant un énoncé qui ne demandait rien d’autre que d’appliquer des leçons étudiées ?

Si vous n’avez pas lu les précédents articles sur la Gestion Mentale, je vous conseille de le faire, dans l’ordre suivant, pour en avoir une idée plus précise:

  1. La bibliographie
  2. Introduction aux cinq gestes mentaux
  3. Introduction à la Gestion Mentale
  4. Evocation : de l’éveil des sens à l’éveil au sens
  5. Exercices d’évocation
  6. Le geste d’attention
  7. Le geste de mémorisation
  8. Le geste de compréhension
  9. Le geste de réflexion

 

 

Définition du geste d’imagination créatrice

 

Le geste d’imagination créatrice intervient lorsque j’ai l’intuition qu’il existe quelque chose de caché.

Cette intuition m’est venue parce que mon geste de compréhension (qui me permet de comparer le nouveau à l’ancien), et mon geste de réflexion (qui me permet d’appliquer une théorie, un théorème, une règle, un schème opératoire…) ont été impuissants à résoudre un problème. L’intuition n’a donc rien de divinatoire, mais se compare plus volontiers à la prescience, soit à une connaissance innée, antérieure à l’étude ; une connaissance totale et globale ni théorisée ni formalisée.

Cette impuissance à résoudre un problème dans le champ du perçu ou de l’évocation constate une réalité cachée qu’il convient de révéler. Le geste d’imagination créatrice est donc l’outil qui va révéler ce qui est caché, qui va combler un manque, un besoin.

Dans le fonctionnement de l’imagination créatrice, Antoine de la Garanderie distingue deux variantes qu’il nomme « découvreur » et « inventeur », en fonction de la question que l’un et l’autre se pose.

 

 

Le découvreur et l’inventeur

 

En effet, si on présente un même objet aux deux, le découvreur se demandera « qu’est-ce que cela peut bien être ? », et l’inventeur « qu’est-ce que je pourrais bien faire avec ? »

Le geste d’imagination créatrice du découvreur aura pour projet de révéler le caché en vue d’expliquer les phénomènes, de répondre à la question « pourquoi ? ». Lorsqu’il interroge ces phénomènes en fonction d’un protocole qu’il élabore ou qu’il suit, il ne préjuge aucunement de la réponse. Il en a certes une vague intuition globale, mais il est davantage attentif aux étapes plutôt qu’à la finalité. On dirait en Gestion Mentale qu’il est motivé par les moyens plus que par la fin. Il procède beaucoup par essais-erreurs et révise son intuition globale en fonction des résultats. Il est donc ouvert à toute sorte de réponses que renvoient ses interrogations.

Au contraire, l’inventeur serait davantage motivé par la fin que par les moyens. La question qui le hante est comment il pourrait reproduire le phénomène, comment il pourrait le domestiquer pour en faire un usage personnel ou social. C’est alors qu’il emploie ses connaissances et le matériel dont il dispose pour plier le phénomène à son objectif.

Si le découvreur est intéressé par la neige pour en étudier la composition ou l’interaction avec d’autres éléments plus ou moins naturels, elle n’intéresse l’inventeur que dans la mesure où il pourra la reproduire.

 

 

Ce qui favorise et pénalise la créativité

 

La créativité, soit la capacité à répondre à un problème inédit par une solution inédite, repose largement sur le geste d’imagination créatrice qui coordonne les gestes de compréhension, réflexion et mémorisation. Les uns et les autres sont en relation constante.

Mais tout découle du geste d’attention qui est particulièrement développé et maîtrisé chez les chercheurs ou encore les artistes. Les personnes créatives ont développé une capacité à gérer l’attention, l’évocation et bien entendu la perception.

La mémoire de travail joue également un rôle capital, comme dans tout acte cognitif.

La culture, au sens le plus large du terme, est également un constituant essentiel en ce qu’il met à disposition du geste de compréhension et de réflexion via le geste de mémorisation un stock de données que le geste d’imagination créatrice va pouvoir connecter. Effectivement, tout est affaire de connexion, une fois de plus. Si on ne trouve aucun lien entre la musique classique et les pyramides égyptiennes, ce n’est pas parce qu’il n’existe pas. Il existe, mais il est inédit : il n’a pas été dit. Le chercheur ou l’artiste ne font rien d’autre que dire les liens.

D’ailleurs, le brainstorming, autrefois populaire en entreprise, reposait sur la connexion de mots qui pouvaient n’entretenir aucun rapport.

L’inconscient, au sens de « qui échappe au conscient » est également un vivier de créativité, le tout est d’y avoir accès. L’hypnose médicale, certaines musiques ou encore un état particulier de fatigue en offrent quelques clefs.

La « raison » est à la fois un frein et un accélérateur de créativité. C’est un frein lorsqu’on se repose exclusivement sur les règles, lois, théories, théorèmes, protocoles et schèmes opératoires, et qu’on veut les appliquer systématiquement à l’objet d’étude. On en vient ainsi à privilégier la réflexion au détriment de l’attention et de la compréhension. Ce déséquilibre entre les gestes mentaux conduit à une transformation du problème à résoudre. On ne se représente plus le problème, mais une copie que l’on a soumis au geste de réflexion dont on estime qu’il détient la vérité. En revanche la « raison » participe au développement de la créativité à la fois en ce qu’elle permet de reconnaître et éliminer les fausses pistes d’une part, en ce qu’elle offre l’opportunité d’établir de nouvelles règles et de nouveaux protocoles, adaptés à l’objet d’étude d’autre part.

Finalement, la Vérité est peut-être ce qui pénalise le plus la créativité. La Vérité de nos sens, la Vérité de nos certitudes qui nous ferment les champs du possible, le mépris que l’on peut avoir pour certaines disciplines, pour certains phénomènes, pour certaines personnes. Rappelons alors que l’humanité n’aurait fait aucun progrès si elle s’était contentée de ce qu’elle percevait et de ce que lui offrait la nature. La meilleure réponse consiste à adopter une attitude résolument philosophique, à savoir, un étonnement permanent comme l’a si souvent rappelé la philosophe Jeanne Hersch. La Vérité n’existe pas, elle n’est que temporaire.

Face à la vérité de l’expérience de la perception et de l’évocation, Antoine de la Garanderie a dressé le portrait du reproducteur et du transformateur.

 

 

Le reproducteur et le transformateur

 

Le reproducteur est ainsi celui qui se donne pour projet de reproduire la vérité que lui envoient ses sens. Il fait des va et vient entre le monde de la perception et celui de l’évocation afin que le second soit une copie la plus fidèle du premier. Il part toujours du modèle qu’il évoque, puis de son évocation à la perception. Ainsi ses représentations se font-elles toujours plus précises. Le reproducteur est celui qui va s’attacher à mémoriser fidèlement ses cours, y compris les exemples et exercices. Il y trouve une sécurité.

Le reproducteur est tout à fait capable d’imagination à partir du moment où il évoque non plus la totalité de l’objet à reproduire, mais les moyens d’y parvenir. Autrement dit, il doit évoquer la dynamique, le mouvement, et s’inscrire dans le temps ; pas seulement dans l’espace. Sur le plan de l’art pictural, le reproducteur peut se doter d’un style original s’il retrace mentalement les étapes qu’a suivies son modèle, pour ensuite les comparer avec les siennes. Cela est vrai pour toutes les formes d’art, mais aussi pour la recherche scientifique où l’on doit à un moment donné se démarquer du chef de file de sa discipline.

Le reproducteur peut devenir transformateur (et gagner ainsi en créativité) s’il procède ainsi :

  • Je perçois avec le projet d’évoquer autre chose que le percept.
  • Je compare mon évocation avec le percept pour en distinguer d’abord les similitudes, puis les différences.
  • Je corrige mon évocation pour me focaliser sur les différences et les accentuer, puis je reviens au percept. J’effectue alors une nouvelle comparaison. Etc.

On dit du transformateur qu’il est naturellement imaginatif parce qu’il transforme le percept au moment où il le perçoit. Ainsi, lorsqu’il regarde la Joconde, il peut voir une montagne, pas une femme, et les associations d’idées qui vivent dans ses évocations peuvent le conduire très loin. Le transformateur s’évoque lui-même en train de percevoir ; le Je est toujours présent. Il sait qu’il sait, ce qui rend difficile toute tâche de reproduction.

Le transformateur notera difficilement le cours tel que l’a dicté l’enseignant et tiendra à s’originaliser. Il peut aussi devenir reproducteur s’il adopte le schème suivant :

  • Je perçois avec le projet de me faire une représentation mentale fidèle du percept. Je fais attention aux détails.
  • Je compare mon évocation avec le percept pour distinguer d’abord les différences, ensuite les similitudes.
  • Je corrige mon évocation pour me focaliser sur les similitudes puis j’effectue une nouvelle comparaison. Etc.

 

 

Comment développer l’imagination créatrice dans les apprentissages ?

 

Lorsque la rubrique creative thinking skills sera activée, le lecteur trouvera des pistes pour développer son imagination. En attendant, voici quelques conseils qui ne relèvent pas de la Gestion Mentale.

D’abord, il faut s’entraîner à adopter une démarche dialectique qui réfutera les arguments d’autorité (telle grande figure intellectuelle a dit ceci, donc c’est vrai) et remettra systématiquement en cause toute vérité : antithèse – thèse – synthèse. Précisons que l’antithèse n’est pas l’opposé d’une thèse, plutôt une alterthèse (une antéthèse), une autre thèse. La synthèse a quant à elle pour objet premier de dépasser les contradictions apparentes entre la thèse et l’antithèse et d’établir une vérité moyenne. La synthèse dit : « la vérité est ailleurs ». La démarche dialectique n’est pas limitée à l’argumentation ou à la philosophie. On peut l’employer dans tout type de situation.

Ensuite, l’apprenant peut chercher des applications concrètes de ce qu’il apprend, à défaut, demander à son entourage de les lui expliquer. Il s’habitue ainsi à établir des liens, des connexions.

De même, tout apprenant gagnera à chercher comment les exercices sont conçus pour dans un premier temps produire des énoncés par imitation, avant d’en inventer et les proposer à ses camarades.

Enfin, les enfants les plus jeunes seront invités à jouer avec des jeux de construction comme à incarner des rôles et suivront des cours d’art et de musique.

 

Note: ce document est protégé par les droits d’auteur, mais un lien vers l’article est bienvenu.

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