Le geste de compréhension en Gestion Mentale

Facebook
Twitter
Pinterest
LinkedIn

Le geste de compréhension est sans doute celui qui a été le plus étudié par Antoine de la Garanderie. Bien que certains aspects soient critiquables du point de vue des sciences cognitives (neurosciences et psychologie) qui s’appuient sur des observations externes mesurables – mais parfois elles-mêmes critiquables -, l’étude du geste de compréhension en Gestion Mentale a pour mérite premier d’interpeller les apprenants sur leurs processus mentaux. Or la conscientisation d’un processus constitue le point de départ d’un travail qui offre l’opportunité d’une plus grande maîtrise de ses facultés intellectuelles. Ca n’est pas rien !

Je traiterai ici la compréhension du point de vue de la Gestion Mentale, mais je me permettrai également quelques incursions dans d’autres domaines, abandonnant toutefois l’approche plus scientifique à la rubrique « critical thinking skills ».

Je vous convie aussi, chers amis lecteurs, à lire d’abord les articles suivants, dans l’ordre, avant de poursuivre avec celui-ci.

  1. Introduction aux cinq gestes mentaux
  2. Introduction à la gestion mentale
  3. Evocation : de l’éveil des sens à l’éveil au sens
  4. Exercices d’évocation
  5. Le geste d’attention
  6. Le geste de mémorisation

 

 

1. Qu’est-ce que « comprendre » en Gestion Mentale ?

 

On emploie souvent le verbe « comprendre » sans jamais le définir tant le sens paraît évident. Il n’en est rien.

Comprendre vient du latin cum prehendere qui signifie prendre pour soi ou prendre avec soi.

Le geste de compréhension est donc un acte d’assimilation. Je comprends un aliment lorsque j’ai pu le voir, le toucher, le sentir, l’entendre et le goûter, mais aussi parce que j’ai appris sur lui des données non sensibles, comme sa structure moléculaire. Puis en le mangeant, mon corps l’assimile et le transforme.

Comprendre, c’est donc assimiler et transformer, soit traduire pour soi. Comprendre est un acte qui relève de l’intime, difficilement modélisable. Cela explique que nous comprenions différemment un même objet d’étude, qu’une phrase n’a pas le même sens pour chacun de nous. D’où les difficultés à apprendre et communiquer.

Traduire pour soi, c’est interpréter ; c’est chercher dans ses processus et ressources cognitifs comme dans ses schèmes opératoires ceux qui vont servir à la réussite de cet acte.

Comprendre, c’est rendre concret ce qui est abstrait, et en cela, les images mentales sont d’un grand secours. Si je suis capable de former dans ma tête l’image visuelle d’un triangle dont je lis les caractéristiques dans un énoncé de mathématiques, alors je pourrai plus facilement le résoudre.

Mais comprendre, c’est aussi relier. Relier l’ancien – ce que je sais déjà – au nouveau, ce que je dois apprendre. Cet ancien et ce nouveau peuvent appartenir au même champ (par exemple, l’histoire) mais pas nécessairement (on peut comprendre l’histoire par la psychologie).

Comprendre est donc l’acte qui consiste à assimiler, transformer, traduire, interpréter, concrétiser et relier (comparer).

 

 

2. Quand est-ce qu’on ne comprend pas ? Comment y remédier ? Note : ce qui suis ne relève pas de la Gestion Mentale mais de la pédagogie et de la psychologie.

 

Avouer ne pas comprendre, c’est déjà comprendre quelque chose, ne serait-ce que parce qu’on élimine et renonce à appliquer un certain nombre de schèmes opératoires et de données mémorisées. Cela nous rend davantage disponible pour comprendre. C’est un peu comme si des milliers de routes nous semblaient relier deux villes sans savoir lesquelles, mais que nous en éliminions quelques-unes pour les avoir reconnues comme erronées. D’ailleurs, en entretien d’explicitation, lorsqu’on demande « et quand vous ne comprenez pas, qu’est-ce que vous comprenez quand même», on conduit l’interviewé à verbaliser, donc à concrétiser par le verbe ce qu’il avait d’enfoui et dont il ne soupçonnait pas seul l’existence. C’est alors qu’il commence à comprendre qu’il a quand même compris quelque chose. Un précieux point de départ !

Ceci dit, voici quelques pistes utiles pour savoir pourquoi on ne comprend pas ; pistes qui offrent l’opportunité de remédier à cette situation, donc d’entrevoir l’autoroute de la compréhension ! Ces pistes vont au-delà de la gestion mentale.

 

2.1 On ne comprend pas parce que les prérequis sont insuffisants. Note : ce qui suit ne relève pas de la Gestion Mentale mais de la pédagogie et psychologie.

 

Insuffisants en quantité de données mémorisées ; insuffisants en qualité. Effectivement, comme comprendre, c’est relier le nouveau à l’ancien, si nos mémoires à long terme ne disposent pas de suffisamment de données ou si celles-ci sont erronées, il nous sera difficile de comprendre un objet d’étude. Cela peut paraître évident pour de nombreux adultes, pourtant les adolescents et un grand nombre d’étudiants n’effectuent pas de connexions entre leurs connaissances. C’est le grand tort « d’étudier pour la note » et de compartimenter les domaines d’étude plutôt que de les relier. Les apprenants n’ont pas conscience que tout est connecté et s’efforcent d’oublier leurs connaissances sitôt le devoir rendu. Cela les pénalise grandement pour se construire des connaissances ultérieures.

Solutions :

Rechercher les prérequis qui nous manquent. Cela passe d’abord par se poser les questions « quand je ne comprends pas, qu’est-ce que je comprends déjà ; qu’est-ce qui m’échappe ; à quoi relier ce que j’ai à comprendre ? ». Une fois découverts les prérequis manquants, il faut les apprendre, puis revenir à ce qu’on n’a pas compris. Toute connaissance repose sur une connaissance antérieure.

 

2.2 On ne comprend pas parce que la mémoire de travail est insuffisante. Note : ce qui suit ne relève pas de la Gestion Mentale mais de la neuropédagogie et psychologie.

 

La mémoire de travail  est l’une des mémoires à court terme. Elle nous permet de gérer en moyenne de 5 à 9 informations en même temps – l’empan mnésique -, selon l’individu adulte. Les enfants ont une mémoire de travail plus faible.

La mémoire de travail peut être assimilée à la mémoire vive (RAM) d’un ordinateur, qui permet de faire tourner en même temps plusieurs programmes. Des programmes gourmands en ressources ne vont pas fonctionner sur l’ensemble des ordinateurs, et le nombre de programmes qui peuvent tourner en même temps est également limité. Des ordinateurs dont la mémoire vive est saturée bloquent. C’est à peu près la même chose pour la mémoire humaine.

Solutions

Il existe à ce jour quatre moyens de dépasser la limitation de la mémoire de travail.

Le premier est de devenir expert dans un ou plusieurs domaines, autrement dit, d’effectuer des tâches automatiquement. Cela permet en quelque sorte de « compresser » les données et ce qui peut par exemple prendre 4 cases chez le néophyte (si on imagine que nous avons dans notre mémoire de travail de 5 à 9 cases que l’on peut remplir) n’en prendra qu’une chez l’expert. D’où l’intérêt de maîtriser à la perfection les bases comme le calcul mental ou les conjugaisons, sans être exhaustif. D’ailleurs les sportifs de haut niveau revoient toujours les bases dans leur discipline.

Le second moyen découle du premier. Il s’agit de placer les données dans les mémoires à moyen ou long terme par le jeu de la répétition. La mémoire de travail ne retient une information que pendant quelques secondes.

Le troisième moyen réside dans la mnémotechnique. Par exemple, s’il est difficile de retenir le nombre 25 48 95 46 38 59, il est plus facile de retenir le nombre 2548 9546 3859 !

Le dernier moyen est plus expérimental au sens où aucune étude complète n’a pu permettre de valider les résultats: il s’agit de faire des exercices spécifiques pour développer sa mémoire de travail. Nous avons pourtant élaboré et testé de tels exercices, et avons constaté une augmentation générale, parfois surprenante, de l’efficience cognitive.

D’autre part, quand on essaie de comprendre quelque chose de difficile, il est judicieux d’écrire avant l’acte de compréhension tout ce qu’on a en tête (comme la liste des courses à faire, les rendez-vous à ne pas manquer, etc.) et qui n’est pas lié à l’objet à comprendre. Cela permet de libérer « des cases » dans la mémoire de travail.

 

2.3 On ne comprend pas parce qu’on n’a pas été assez attentif ou l’attention a mal été dirigée

 

L’attention est un acte cognitif capital en ce qu’il préfigure la qualité de tous les autres. L’attention peut se renforcer par des exercices appropriés. J’invite le lecteur à se reporter au cours sur l’attention en Gestion Mentale, puis à la rubrique attention et concentration en neuropédagogie lorsqu’elle sera activée.

L’attention peut être libre au sens où dans le champ du perçu, un phénomène nous a interpellé, comme par exemple le chant d’un oiseau qui s’élève au milieu du silence.

Mais l’attention peut être dirigée lorsque dans le champ du perçu on cherche à distinguer un objet d’étude en rapport avec ce dont dispose notre mémoire à long terme. Seulement, lorsque cette attention est dirigée vers un mauvais objet, la compréhension ne se fait pas. Par exemple, au milieu d’une forêt je cherche à distinguer le chant de la pie et je fais revenir dans ma mémoire de travail les caractéristiques de ce chant à partir de ma mémoire à long terme. J’évoque donc ce chant de pie qui me servira de filtre au travers duquel je vais passer les divers chants d’oiseaux qui se prêtent à mon oreille. Puis je distingue enfin un chant voisin du chant évoqué, je les compare et trouve suffisamment de similitude et/ou peu de différence pour le comprendre comme un chant de pie. Il s’avère pourtant, après avoir vu l’animal, que ce n’était pas une pie.

 

2.4 On ne comprend pas parce qu’on n’a pas évoqué

 

Un autre problème de compréhension, très fréquent, vient de ce que le projet d’évocation a été incomplet, voire inexistant. Bref, je n’ai pas pensé à mettre dans ma tête (sous forme d’image, de mots, de sensations, etc.) l’objet d’étude perçu. Or, si comprendre c’est comparer le nouveau avec l’ancien, je dois évoquer l’ancien et le nouveau en même temps.

Solution :

Pour comprendre un énoncé, il faut donc le mettre dans sa tête. Et s’il est long, il faut le découper en énoncés plus petits. La pause évocative, après la perception, peut être salutaire pour comprendre.

 

2.5 On ne comprend pas par absence de maîtrise du langage. Note : cela n’est pas abordé en Gestion Mentale, mais en pédagogie.

 

Autre point essentiel particulièrement mis en exergue par les professeurs du supérieur, mais aussi du secondaire. Les étudiants ne maîtrisent pas suffisamment le langage, confondent le futur simple de l’indicatif avec le conditionnel présent, manquent de vocabulaire, ne reconnaissent pas les implicites, etc. Pas tous bien entendu, mais suffisamment pour lancer un cri d’alarme.

Or le langage est un outil de conceptualisation autant qu’un outil de communication, et contrairement à l’idée reçue, Einstein était brillant en langues. C’est lui qui ne se trouvait pas assez bon !

« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement / et les mots pour le dire arrivent aisément » avait dit Nicolas Boileau dans l’Art poétique !

 

2.6 Quand on ne comprend pas tout de suite, il faut faire autre chose puis revenir à l’objet d’étude à comprendre. Note : ce qui suit relève de la neuropédagogie.

 

Effectivement, le cerveau n’aime pas ne pas comprendre et complètera les manques. D’un point de vue neuropédagogique, on ne comprend pas lorsque les neurones n’ont pu effectuer les connexions. Il faut donc leur en laisser le temps et aller faire autre chose. Le cerveau complètera les données manquantes pour comprendre, et on s’écriera comme Archimède : Eurêka ! Cela ne viendra pas forcément vite et cela peut nécessiter d’évoquer plusieurs fois l’objet d’étude pour le « comprendre en plusieurs couches ». En revanche, si on doit résoudre un problème difficile, il convient de l’évoquer le plus tôt possible.

Par exemple le groupe de lettres suivant :

ineAnto va german son pas à ithu resheu antav de se dreren ecav phanieSté au ursco de sedan.

Stop ! Prenez votre temps pour relire le groupe de lettres précédent pour trouver le code avant de poursuivre votre lecture.

Vous avez bien lu « Antoine va manger son repas à huit heures avant de se rendre avec Stéphanie au cours de danse » malgré le mélange des lettres d’une part, et d’autre part l’absence des lettres « re » pour former le mot « repas ». Vous avez d’ailleurs pensé que nous les avions oubliées, que c’était une erreur de notre part. En fait, votre cerveau a complété les lettres manquantes, autrement la phrase n’aurait pas eu de sens.

 

 

3. Compréhension ou mémorisation ?

 

Lorsque le percept (ce qui est perçu) et l’évoqué (la représentation mentale du percept) sont de même nature, il y a un risque de mémorisation, non de compréhension. On va avoir le sentiment de comprendre parce que l’objet mental sera une copie plus ou moins fidèle de l’objet perçu. On confondra alors compréhension et familiarisation.

Par exemple, si j’évoque une image mentale visuelle d’un circuit électrique à partir d’une source visuelle, je ne comprendrai pas forcément ledit circuit.

En revanche, comme comprendre, c’est traduire, on peut, lorsque l’objet d’étude est particulièrement difficile, employer un évoqué de traduction.

Par exemple, je perçois le schéma d’un circuit électrique sur mon livre de physique (percept visuel non verbal), et je vais en faire un évoqué de traduction en me le racontant (concept auditif verbal). La compréhension se fera plus volontiers.

 

 

4. Compréhension appliquante et compréhension expliquante

 

4.1 Définitions et généralités

 

Du point de vue de la Gestion Mentale, on parle de compréhension appliquante lorsque pour comprendre on se pose la question « comment faire pour appliquer » ?

On comprend alors mieux la théorie (règle, loi, théorème, etc.) en multipliant les exercices, les applications concrètes. En revanche, si on est capable d’appliquer, on n’est pas toujours capable d’expliquer, de démontrer, d’argumenter, bref, de prouver qu’on sait.

A l’inverse, on parle de compréhension expliquante lorsque pour comprendre, on se pose la question « pourquoi ? ». L’expliquant a besoin qu’on explique la théorie, qu’on l’explicite, qu’on la détaille et la démontre. Multiplier les exercices ne l’aidera pas beaucoup pour comprendre.

L’élève exclusivement expliquant est capable de démontrer la théorie, loi, règle ou théorème, mais peut difficilement la mettre en pratique.

La pédagogie au collège est essentiellement applicative, et au lycée explicative. Certains bons collégiens, exclusivement appliquants, peuvent donc rencontrer des problèmes au lycée, quand ils n’ont pas intégré un autre mode de fonctionnement : ils savent mais ne savent pas démontrer. A l’inverse, de mauvais collégiens peuvent se révéler excellents lycéens pour la raison inverse.

Le profilage pédagogique, basé sur un entretien, des tests et des mises en situation, permet de définir si un élève est davantage applicatif qu’explicatif. D’autre part, il est tout à fait possible pour un élève exclusivement applicatif de devenir aussi explicatif avec une formation appropriée, et inversement.

L’élève appliquant est en attente de méthodologies. Il peut percevoir le fait, la relation entre les faits, plus rarement le sens des faits. Il aime mémoriser et on dit souvent de lui qu’il est très scolaire.

L’élève expliquant aime argumenter et parfois se laisse emporter dans d’interminables démonstrations où la confusion n’est pas toujours très loin, pour souvent revenir à la source de la théorie. On peut alors lui dire « tout ça pour ça ! », mais au moins il a compris ! Il est plus original, créatif, et ne mémorise presque jamais les exemples, citations, etc.

Un élève appliquant peut rencontrer des problèmes de compréhension avec un enseignant expliquant et inversement. Cela explique (ce n’est pas la seule explication) que certains élèves progressent ou régressent de façon surprenante dans une matière lorsqu’ils changent de professeur.

 

4.2 La langue pédagogique et la compréhension appliquante / expliquante

Pour faire comprendre un objet d’étude à un apprenant, il faut prendre en compte sa langue pédagogique. Le « visuel » (celui qui gère davantage ses évocations visuelles) préférera qu’on lui présente le cours sous forme de schémas, tableaux, dessins, bref, qu’on spatialise les données. En revanche, le « verbal » (celui qui se parle beaucoup) préférera qu’on raconte et décrive verbalement (y compris les figures géométriques) ce qu’il a à comprendre.

 

4.3 Exemple pratique : l’apprentissage des fractions en 6è

 

a. Pour « l’auditif »

On lui dira :

  • une fraction exprime le rapport de deux nombres sous la forme x/y. C’est un quotient de deux nombres entiers.
  • x est le numérateur. Il est situé au dessus de la barre de fraction
  • y est le dénominateur. Il est situé sous la barre de fraction.
  • une fraction possède une écriture décimale. Par exemple, ¾ = 0.75.
  • lorsqu’on multiplie le numérateur et le dénominateur par le même nombre, la fraction ne change pas. Par exemple, si ¾ = 0.75 alors ¾ * 2 = 6/8 = aussi 0.75. Bien qu’ayant multiplié 3 (le numérateur) par 2 d’une part, et 4 (le dénominateur) aussi par 2, le nombre décimal est resté le même.
  • En revanche, si j’additionne ou si je soustrais du numérateur et du dénominateur un même nombre, alors la fraction change. Par exemple, si ¾ = 0.75 , ¾ + 2 n’est pas égal à 5/6.
L’auditif expliquant aura besoin qu’on lui explicite quand l’auditif appliquant comprendra réellement tout cela lorsqu’il fera des exercices.

b. Pour le « visuel »

– En plus de l’usage des mots, on lui montrera :

OOOOO – > numérateur

— -> barre de fraction

OOOOO –> dénominateur

– Pour lui enseigner qu’une fraction ne change pas lorsqu’on multiplie le numérateur et le dénominateur par un même nombre, on procèdera ainsi :

AAAAA AAAAAAAAAA

— x 2 = —

BBB BBBBBB

Il faut voir que les cinq A sont disposés sur les 3 B, et les tirets représentent la barre de fraction. De même, les dix A sont disposés sur les 6 B. Naturellement, mieux vaut remplacer les A et B par de jolis dessins, mais nos maigres connaissances en informatique ne permettent pas cette fantaisie sur SPIP, le programme que nous utilisons pour éditer du contenu sur Internet. Le principal, d’ailleurs, est de montrer comment on doit spatialiser les données pour le « visuel ». Enfin, n’oublions pas qu’il faut toujours partir des représentations des élèves (ce qu’ils croient déjà savoir) pour les transformer ensuite. Puis il faut les laisser trouver la règle plutôt que de la leur donner.

Note : on retrouvera dans les ouvrages d’Antoine de la Garanderie la règle d’accord du participe passé employé avec le COD placé avant l’auxiliaire avoir comme la formule du carré du binôme sous quatre modèles : pour « l’auditif » appliquant, « l’auditif » expliquant ; le « visuel » appliquant, le « visuel » expliquant. D’autre part, on peut naturellement être à la fois appliquant et expliquant ; c’est d’ailleurs le cas des bons apprenants !

 

 

5. similitude, différence, etc.

 

Pour comprendre, nous avons le projet de comparer ce qui est à comprendre (le nouveau) avec ce qui est en mémoire (l’ancien) pour en distinguer les similitudes, les différences, ce qui n’a ni similitude ni différence ou encore ce qui est une copie.

Par exemple, pour faire comprendre ce qu’est un chien à des gens qui n’ont jamais vu de chien, on peut dire :

  • « un chien est comme le chat, un mammifère à quatre pattes domestiqué, etc. »
  • « un chien est différent d’un chat parce qu’il est ordinairement plus grand, il aboie et est moins autonome, etc. »
  • « un chien est un mammifère domestique à quatre pattes, assez grand, qui aboie, mais qui n’a rien à voir avec la constellation du chien qui porte seulement son nom »
  • « un épagneul breton est un chien qui possède certaines caractéristiques qu’ont tous les chiens de ce type »

Certains d’entre nous, pour comprendre, ne mettent pas en œuvre ces quatre opérations, d’où quelques problèmes. Des apprenants ont pour projet unique d’être attentifs aux similitudes, d’autres aux différences, etc.

 

 

6. David Hume et l’associationnisme. Note : cela est étudié en philosophie, pas en Gestion Mentale.

 

Dans An Enquiry Concerning Human Understanding http://ebooks.adelaide.edu.au/h/hume/david/h92e/chapter3.html , le philosophe David Hume prétend que les idées s’associent selon 3 principes de connexion : ressemblance, contiguïté dans l’espace ou le temps, et cause ou effet.

Il y a connexion des idées par ressemblance si lorsque je regarde une copie d’une toile de maître, je pense à l’original.

Il y a connexion des idées par contiguïté si lorsqu’on me parle d’un appartement situé dans un immeuble, je pense aux autres appartements.

Il y a connexion par cause ou effet si lorsque je pense à une blessure, je pense à la douleur qui en résulte, qui en résultait ou qui en résultera.

Et tous les autres types d’association d’idées ne sont que des variantes de celles-ci.

L’association d’idées fait partie intégrante du processus de compréhension, et l’enjeu est d’établir un équilibre entre les évocations, c’est-à-dire entre l’évocation du passé (ce que je sais déjà) et l’évocation du présent (ce que je dois comprendre). Certains apprenants ne comprennent pas parce qu’ils évoquent plus le passé que le présent ou inversement.

Par exemple, comprendrais-je la copie du tableau si je pense trop à l’original ? Comprendrais-je l’appartement que je visite si je pense aux autres ? Comprendrais-je ma blessure si je pense trop à la douleur ?

 

 

7. Karl Popper et la métaphysique des 3 Mondes. Note : cela est étudié en philosophie, pas en Gestion Mentale

 

Karl R. Popper est sans doute l’un des plus grands philosophes des sciences, malheureusement ses travaux n’ont pas été abordés dans les livres d’Antoine de la Garanderie. Loin d’opposer la métaphysique (ce qui est au-delà de la physique) aux sciences, il s’en sert, allant même jusqu’à la théoriser dans L’univers irrésolu, plaidoyer pour l’indéterminisme. Dans cet ouvrage, Karl Popper dépasse aussi bien le matérialisme que le spiritualisme et réfute la conception déterministe de la physique classique ou quantique.

Le Monde I correspond aux réalités physiques qui existent en notre absence : objets physiques animés (les forces, le végétal…), inanimés (le minéral, objets manufacturés…), aux principes de la physique, de la biologie ou encore de la chimie. Il est objectif.

Le Monde II est celui des états mentaux (humains comme animaux) et des expériences subjectives qui relèvent de l’intime et n’existent que parce que nous existons.

Le Monde III est exclusivement humain. C’est le monde des idées, de la production de l’esprit humain (y compris l’art), de l’éthique, de la société… Il est objectivé parce que par le biais de la formulation, la connaissance subjective devient connaissance objective qui peut être soumise à réfutation. Ce qui n’est pas réfutable n’est pas scientifique.

Les trois Mondes cohabitent et nous passons de l’un à l’autre.

Les philosophes nous pardonneront de synthétiser et simplifier autant, mais nous nous adressons aussi à un public peu intéressé par la philosophie lorsque de l’autre côté, le propos est d’éclairer le geste de compréhension.

Le geste de compréhension en Gestion Mentale participe donc pleinement de la métaphysique des trois Mondes : perception -> évocation -> formulation, avec différentes variantes possibles.

 

 

8. L’analyse systémique. Note : cela n’est pas abordé en Gestion Mentale, mais en systémie, cybernétique.

 

L’analyse systémique (que l’on appelle aussi systémie ou approche systémique) n’est pas non plus abordée en Gestion Mentale, pourtant elle offre bien des clefs pour comprendre la complexité et anticiper. Les objets complexes ne peuvent être compris et connus par la méthode cartésienne d’analyse. On les comprend et connaît d’abord par les relations qu’ils entretiennent avec d’autres objets, ce, dans leur environnement. Ces relations sont englobantes. Par exemple, on peut me connaître par mon identité, mais aussi par les relations que j’entretiens avec d’autres personnes, dans une ville, un pays, un continent, qui entretiennent aussi des relations avec l’espace et le temps, etc. Bref, tout n’est que lien, réseau, connexion.

Si le père de la systémie moderne est Karl Ludwig von Bertalanffy, son inspirateur n’est autre que le philosophe Pascal qui dit dans ses Pensées : « Toutes choses étant causées et causantes, aidées et aidantes, médiates et immédiates, et toutes s’entretenant par un lien naturel et insensible qui lie les plus éloignées et les plus différentes, je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître particulièrement les parties ».

J’aborderai la systémie dans la rubrique appropriée, une fois celle-ci activée. D’ailleurs la neuropédagogie est une discipline systémique.

 

 

Conclusion

 

La Gestion Mentale est effectivement critiquable sur le plan du geste de la compréhension parce qu’elle est un peu trop binaire (appliquant d’un côté, expliquant de l’autre ; « visuel », « auditif » ou « kinesthésique ») et qu’elle n’offre que peu de solutions pour gérer la complexité. Mais tel n’était pas son objet.

En revanche, si on dépasse son côté binaire, la Gestion Mentale propose un outil précieux pour aider enfants, adolescents et étudiants en difficulté à comprendre les processus mentaux, donc à progresser. J’ai pu observer des résultats probants et mesurés (puisque les notes ont augmenté, comme la motivation et la solidité des connaissances) sur des centaines d’élèves.

Enfin, je termine ce cours en livrant une petite astuce pour mieux comprendre : étudier dans une langue étrangère (par exemple, étudier l’histoire ou les mathématiques en anglais lorsqu’on est francophone). Comprendre, c’est traduire !

 

Note: cet article est protégé par les droits d’auteur, mais un lien vers le document est bienvenu.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *